4 mois à rattraper - notre vie aux Marquises
De retour des courses à vélo et chargée comme un mulet, je croise la voiture de location de Maire parquée devant la station service. J’entends in extremis qu’on crie mon prénom. Je freine et me retourne c’est Victorine. Je la serre dans mes bras et lui demande des nouvelles d’Hanaiapa.
Elle me raconte que depuis notre départ de la baie, plus personne ne joue au volley, le centre du village est mort , le terrain de volley déserté. C’est mort! C’est devenu mortel de chez mortel”.
Je suis triste d’entendre ça.
Et je réalise que je n’ai pas eu le temps de raconter nos 4 derniers mois de vie.
Ai-je été dépassée par les événements ou le syndrome de la page blanche m’est il revenu? Il y a sûrement un peu des deux. Ou simplement je n’ai pas eu le temps de m’allonger avec mon iPhone à la main prête à écrire sur la page note, dans un coin tranquille et inspirant à la fois.
Quand on s’arrête de voyager, de bouger, ou de simplement naviguer, tout notre corps prend racine là où l’ancre est jetée. C’est exactement ce que nous vivons depuis notre arrivée dans la baie d’Hanaiapa. En participant à la vie communautaire activement comme: jouer au volley tous les jours de 15:30 à 18h, partager des repas, des parties de chasse ou de pêche, aider à la réparation d’un moteur hors bord, masser un dos ou un genou blessé, installer un montage électrique dans la maison de Jean-Yves, fabriquer des colliers, sculpter sur des noix de coco ou encore des callebasses, nous nous immergeons totalement à vivre le moment présent!
Et je me rends compte que dans ces moments-là qu'il m’est impossible de trouver ne serait-ce qu’une minute pour écrire un chapitre de notre expérience tellement la vie est intense ici et je dirais même ensorcelante !
Depuis que nous sommes installés en mode camping avec Morgane à sec au chantier de Vincent du côté d’Atuona, situé au sud de l’île d’Hiva Oa, j’ai à nouveau du temps pour écrire.. et vous raconter enfin nos 4 derniers mois.
MA FILLEULE EMBARQUE POUR 6 SEMAINES
Je démarre le 4 juillet quand ma filleule Xenia embarque sur Morgane avec un jour de retard. Toute seule et du haut de ses 11 ans, elle a traversé la terre pour nous rejoindre à l’autre bout du monde et passer toutes les vacances d’été aux Marquises! En commençant par louper son dernier vol de Tahiti à Hiva dû à la panne de réveil!! Heureusement bien logée à Tahiti chez une cousine d’une amie d’Hanaiapa, elle a eu la chance de visiter le marché de Papeete et assister à la messe!
Dès son arrivée à Hiva Oa, nous la présentons à toute la vallée d’Hanaiapa. Car depuis des semaines que j’ai annoncé sa visite, tout le monde veut la voir.
A peine débarquée chez Marie ( la sœur de Valé) où on dit aussi Marie à Cui (qui est son mari), bref, je la retrouve perchée dans le grand manguier à cueillir des mangues et 5 minutes plus tard à s’efforcer à décortiquer une coco sous les conseils de Vale et Tino.
Maintenant que les bases de la vie marquisienne lui sont inculquées, nous pouvons poursuivre notre escapade.
Le but étant d’assister ensemble au festival des arts des Marquises qui débute le 7 juillet jusqu’au 10 juillet sur l’île de Fatu Hiva à une journée de navigation d’Hiva Oa.
Le petit hic,, c’est le vent qui en cette période de l’année souffle principalement du sud-est là où on veut aller!
Alors un petit détour ou plutôt une mise en jambe s’improvise pour rejoindre la baie de Hanamenoa bordée d’une magnifique plage de sable blanc et située au nord-ouest de l’île de Tahuata.
Deux petites heures de navigation qui nous montre que Xenia ne supporte pas beaucoup les effets rouleurs du bateau! Mais heureusement que ça ne dure pas et la baignade dans l’eau turquoise avec la visite d’une raie manta lui fait vite oublier son mal de mer. Encore faut-il qu’elle ait enfilé ses deux combinaisons Néoprène et surtout ses palmes avant de sauter à l’eau, de peur de se faire croquer par un petit poisson!?
Les conditions météo s’annoncent trop fortes pour rejoindre l’île de Fatu Hiva le 7 juillet. Alors nous restons dans cette magnifique baie au plan d’eau calme et bien garnie de poisson pour fêter mon anniversaire! Au menu: stick de poissons chirurgiens pannés et gâteau au chocolat avec son coulis de mangue! Le tout orchestré par mon amour de Robin et ma princesse Xenia! Je suis aux anges!
FATU HIVA
Le 8 juillet nous levons l’ancre à 3 heures du matin afin de faire un maximum de nave sans trop de vent et avec une Xenia en train de dormir.
6 heures plus tard et en tirant un seul bord au près notre arrivée à Omoa est bien méritée. Nous nous rafraîchissons par un plongeon du bateau pour aller vérifier notre mouillage, voir si notre ancre a bien croché.
Contrairement au mouillage hyper calme de Tahuata ici c’est le souk, trop de bateaux pour une baie trop profonde et très mal abritée de la houle. Morgane se dandine de gauche à droite. C’est franchement pas l’endroit idéal pour poser sa pioche comme on dit entre voileux et quitter le bord pour aller s’amuser à terre.
Heureusement que le vent lui est complètement tombé ce qui nous rassure énormément et nous permet d’aller quand même assister au spectacle.
Avant de vous en dire plus voici un peu d’histoire et le pourquoi il était important pour nous d’assister à ce festival des arts des Marquises, l’essence même du peuple marquisien.
Le Festival des arts des Marquises
« La fête a toujours revêtu une importance majeure aux Marquises. Elle est non seulement un ciment de la vie sociale, mais aussi, comme le dit M-N. Ottino, "la plus sûre démonstration du prestige des communautés". De tout temps, bien avant l'arrivée des européens, on se lançait dans de véritables compétitions touchant des domaines variés, la danse et la chorégraphie n'étant pas des moindres. Après une longue période de déclin, le sens de la fête, de la danse et de la compétition par les chorégraphies renaissent. La danse est l'affaire de tout le monde.
Regroupés en associations, souvent par "vallées", les Marquisiens se sont réappropriés l'esprit qui animait leurs célébrations. L'association Te Hina o Motu Haka de Nuku Hiva est l'illustration d'un regroupement de personnes partageant une passion commune : la danse. La transmission est ainsi assurée, les très jeunes sont initiés non seulement à la danse, mais aussi aux instruments et à la fabrication des costumes.
Henua Enana, ou Terre des Hommes est le nom marquisien de cet archipel de 12 îles qui couvrent 997 km2 dans l'Océan Pacifique. Les îles hautes, d'origine volcanique, ne possèdent pas de récifs coralliens. Elles furent découvertes en 1595 par le navigateur espagnol Alvaro de Mendana qui leur donna le nom de islas de las Marquesas en l'honneur de son protecteur, le Marquis de Cañete, qui était également vice-roi du Pérou. Située à 1500 km au Nord Est de Papeete, Nuku Hiva est l'île la plus étendue de l'archipel et son centre administratif.
L'évangélisation catholique commença en 1839, confortée par l'annexion française en 1842.
Nuku Hiva entra alors dans de longues années de déclin : épidémies, raids de négriers, alcoolisme et consommation d'opium : d'une population estimée à environ 12 000 habitants en 1842, il ne restait que 634 personnes en 1934 ! Il fallut attendre le début des années 1920 quand le docteur Rollin, médecin et administrateur des Marquises s'attaqua aux problèmes sanitaires avec succès, enrayant la chute de la courbe de natalité. À la fin des années 1950, la population avait doublé.
Ce que l'on rapporte aussi de cette période, c'est la profonde tristesse dans laquelle s'enlisaient les Marquisiens : la lente mais sûre évangélisation détruisit les structures traditionnelles en interdisant la pratique du tatouage, la danse et le chant. Les tiki sont détruits ou envoyés en Europe comme preuve de la conversion de la population. La culture de tradition orale ne peut résister à ce massacre et disparaît quasiment. C'est avec l'arrivée de Mgr Hervé Le Cléac'h, Evêque des Marquises, que le "réveil" se fera. Mgr Le Cléac'h se souvient avoir appris le français à l'école car, chez lui, on parlait le breton. Il se souvient aussi des punitions subies par les enfants qui prononçaient un mot de breton en classe. Sensible à ces questions, il rassemble autour de lui un groupe de jeunes instituteurs et de personnes motivées qui rêvent de défendre la langue marquisienne.
Une des figures emblématiques de ce mouvement de réveil identitaire était Lucien Kimitete, maire de Nuku Hiva de 1991 à 2002, année de sa disparition à bord d'un avion en mer. Ils créent en 1978 la première association culturelle des Marquises, un rassemblement du peuple marquisien pour la défense du patrimoine culturel : ainsi est né Te Motu Haka o Te Henua Enana (le rassemblement de la Terre des Hommes). Motu Haka obtient la reconnaissance officielle de la langue de l'archipel et en 1999, l'Académie Marquisienne est créée. Commence alors une course contre la montre et un long travail de collecte de tout le patrimoine oral et de tous les savoirs faire auprès des anciens qui ont gardé dans leur mémoire la culture de leurs ancêtres. Cela ne fut pas toujours facile, car, en plus des questions relatives à la propriété d'un savoir faire, nombreux étaient ceux qui répugnaient à délivrer des informations devenues tabou.
Georges Teikiehuupoko relate que le recours à Mgr Le Cléac'h, qui cautionnait ce travail de collecte, était alors le seul moyen pour convaincre les réticents. C'est ainsi que l'on essaya aussi de retrouver la dynamique formelle des danses et les éléments de la culture ancestrale dont elle était l'expression.
En 1987 est organisé à Ua Pou le premier Festival des Arts des Iles Marquises. Il s'est tout de suite imposé comme un événement majeur pour la mise en valeur de l'héritage culturel et festif du peuple des Marquises. Le festival qui a lieu tous les deux ans est le moment privilégié où des groupes de danseurs de toutes les îles (un groupe pouvant regrouper jusqu'à 100 personnes qui prennent toutes part à la danse en même temps) peuvent se confronter et se défier par la danse et les chorégraphies inventives dans une atmosphère de communes réjouissances.
Car c'est bien là ce qu'il faut surtout retenir des danses marquisiennes : inventivité pour se lancer des défis, joie de la fête, bonheur de danser et fierté d'exprimer son identité marquisienne. »
OMOA
Cette année 2022, c’est sous le thème « Te ‘Eo Taetae Tupuna », « La langue, héritage ancestral » que les 6 îles démontreront tour à tour leurs dances et leurs chants accompagnés du son des pahu et des mave mai.
Le débarquement au quai est périlleux car une forte houle s’engouffre dans le petit port. Il faut attendre le bon moment pour sauter hors de l’annexe et en même temps la hisser hors de l’eau et l’attacher à un arbre en hauteur.
En rejoignant la place où se tient les festivités, nous apercevons dans les « puhaparaa » (hébergements), les artistes qui ajustent leurs costumes, peaufinent les derniers détails avant de monter sur scène.
L’émotion est palpable, car bien plus qu’un festival, cet évènement marque sans conteste le grand retour de la culture marquisienne, et illustre l’attachement de ce peuple à son identité.
Il y a beaucoup de monde dans l’enceinte et les chaises manquent. Nous rejoignons Guylène et Dominique, nos amis suisses qui nous ont gardé trois petites places devant leurs pieds. On s’installe par terre sur mon paréo les fesses à moitié dans le caniveau pour assister au spectacle à ciel ouvert. A 19h les premiers coups de tambours (pahu) sont frappés. Nous accueillons les danseurs de Ua Huka les yeux bien écarquillés, la bouche grande ouverte, l’appareil photo prêt à mitrailler et des frissons plein le corps nous envahissent. Ils mettent à l’honneur la danse de l’oiseau appelé en marquisien le « hakamanu » où chaque danseuse représente un oiseau endémique des Marquises tel que le Pihiti, le Monarque de Fatu Hiva, le Toake (paille en queue), le Upe (pigeon impérial ) de Nuku Hiva ou encore le Inake (sterne) et le Pahi (Martin chasseur) de Tahuata.
En deuxième partie de soirée, les danseuses et danseurs de la troupe de Hiva Oa ont enflammé le tohua Anitau en nous offrant un spectacle grandiose tout en puissance! Ils ont mis en scène la légende du Dieu Oatea et de sa femme Atanua à travers 4 magnifiques tableaux pendant plus de 45 minutes. Leur passion se lisait sur les visages, si bien que même la pluie qui s’est invitée en cours de spectacle n’aura pas eu raison de leur détermination.
« Ce soir à travers notre spectacle nous disons que notre langue, la langue marquisienne est la plus belle du monde » a fièrement déclaré Tefa Tehaamoana, chef de la troupe de Hiva Oa.
Ce fut une soirée riche en émotions!
Le samedi midi un grand repas est organisé et offert à tous les festivaliers et danseurs. Les délégations de Hiva Oa, Tahuata, Nuku Hiva, Ua Pou, Fatu Hiva et Ua Huka ont préparé leurs mets qu'ils ont enterrés pour être cuits à l'étouffée depuis la veille dans leur four marquisien, le Umu Kai.
Ce sont plusieurs tonnes de denrées alimentaires qui sont ainsi offertes aux visiteurs et festivaliers. Une véritable fierté pour chaque délégation de présenter ses spécialités.
Nous goûtons au cochon, à la chèvre, au crabe, au poke de potiron, au poisson cru au lait de coco, au kaaku prononcé [kaakou], c'est le fruit de l'arbre à pain cuit dans les braises du feu, puis malaxé à l'eau avec un pilon et baigné dans le lait de coco. Un vrai festin. Tellement c’est bon que nous nous resservons.
Pendant que Xenia et Robin vont se baigner dans les vagues, j’assiste à la confection du fameux tapa.
Le mot "tapa" (kahu en marquisien)
désigne les étoffes en écorce battue.
Elles sont habituellement fabriquées par les femmes et ont toujours tenu une place importante dans la vie sociale des îles hautes polynésiennes.
« Les tapas sont produits à partir des écorces du mûrier (ute - broussoneta papyrifera) pour réaliser les étoffes blanches, des jeunes arbres à pain (tumu mei - artocarpus altilis) ou du banian (aoa - ficus prolixa) pour les étoffes brun-rouge.
Les étoffes blanches étaient utilisées par les personnages de haute condition, les étoffes en banian réservées principalement aux prêtres.
Le procédé consiste à détacher l'écorce puis à la racler pour ne garder que sa partie interne.
Après assouplissement dans l'eau, les écorces sont battues au moyen de battoirs en bois dur comme le filao.
Puis elles sont pliées en plusieurs couches et rebattues plusieurs fois jusqu'à obtenir une étoffe plus ou moins fine.
Traditionnellement, les étoffes étaient rarement décorées; elles étaient généralement imprégnées d'une teinture jaune d' eka (curcuma). Aujourd'hui, les tapas servent de support à des décorations variées inspirées des motifs utilisés en sculpture ou pour les tatouages.
La production de tapa est devenue une des spécialités de l'île de Fatu Hiva. »
Ce soir avant de rejoindre les festivités, nous prenons un joli apéro sur Manutea, le voilier d’Emma et Clément. A son bord nous rencontrons un autre couple de jeune, Anais et Louis venus aussi tout droit de Tahiti avec leur bateau Maoti. Ensemble nous rejoignons le site de Anitau pour assister aux dernières représentations de danceurs de Nuku Hiva et Fatu Hiva.
Lors de notre arrivée à Nuku Hiva en mai dernier, nous avions eu la chance d’assister au début des répétitions de leurs dances et de leurs chants. Ce soir habillés avec leurs costumes fait de tapa peint en noir et beige ils nous en mettent plein la vue!
LA BAIE DES VIERGES
Dimanche matin, il est temps de quitter le mouillage rouleur à souhait d’Omoa pour rejoindre les amis voileux dans la fameuse baie des Vierges, baie d’une telle splendeur qu’elle est reconnue pour être une des plus belles au monde.
On trouve au fond de cette baie une morphologie caractéristique de l'érosion en pays volcanique intertropical humide, avec parois très raides, gorges profondes, pitons et pinacles dressés verticalement…
À cause de cette morphologie particulière des figures engendrées par l'érosion, cette baie était appelé Baie des Verges, sans doute par les Polynésiens et certainement par les matelots européens. Son nom fut transformé en Baies des Vierges par les missionnaires (un peu pudibonds) du XIXème siècle.
Ici le plan d’eau est plat mais le vent souffle fort! L’orientation de la baie offre un effet venturi quotidien! Mais ça n’empêche pas Xenia à se jeter à l’eau pour rejoindre le bateau des copains situé de l’autre côté de la baie. Elle prend confiance et c'est bon signe!
Nous restons une petite semaine devant le village d’Hanavave.
Une jolie marche s’impose sur les hauteurs de la vallée pour admirer cette vallée très escarpée et de toute beauté.
La vue au sommet est splendide! Robin fabrique un arc pour Xenia et l’encourager à la ballade ..
Entre session de wakefoil tractée par l’annexe puissante de Louis et Anais, pêche au harpon ou à la langouste, baignade dans la cascade, fabrication de notre tapa et remplissage des bidons d’eau de source, nos journées passent trop vite!
TAHUATA
Nous quittons la baie des Vierges le 17 juillet et nous nous remettons en route pour rejoindre l’île de Tahuata. Un groupe de dauphins nous escorte jusqu’à la pointe nord de Fatu Hiva. Une belle navigation sous voiles avec du vent portant de travers-cul nous permet en 9 heures de rejoindre la première baie située au sud-ouest de Tahuata.
Nous mouillons dans 10 mètres d’eau devant une plage de galets anthracites où une petite baraque tient sur pilotis, entourée de cocotiers et de manguiers. Nous sommes dans la baie de Hanatefau située juste au nord du village d’Hapatoni.
Xenia profite du calme de la baie pour pêcher à la canne à pêche depuis le pont de Morgane.. au bout de quelques heures enfin ça mord et ça reste croché à l’hameçon!! Encore étonnée par sa touche, elle inspecte avec stupeur son premier poisson pêché. C’est un petit ocre de couleur rouge. Robin l’aide à le remettre à l’eau.
Nous nageons en compagnie de raies manta, de dauphins et de requins à pointe noire.Heureusement ceux là ne sont pas du tout intéressés à nous approcher! Je retiendrai juste la question de Xenia nageant en totale confiance à quelques mètres de moi qui me demande entre deux plongeons :
« Il y a quand même des gros poisson ici. C’était quoi celui là?»
Je lui répond: « Un petit requin »
Ni une ni deux elle se retrouve perchée sur mon dos à presque me faire couler! Heureusement Morgane n’est pas loin et nous pouvons regagner son bord saines et sauves!
L’envie de faire des gâteaux et des crêpes surgit un matin. Mais il me manque des œufs! Je pars donc à terre à la recherche d’œufs! C’est bien dommage qu’avec la quantité de poules et de coq qu’il y a dans la nature il n’y a pas moyen de trouver des œufs frais aux pieds des cocotiers.
La marche pour rejoindre le village de Vaitahu où se trouve le petit supermarché prend 1h30 - 2h (à pieds) .. ça tombe bien j’ai besoin de me défouler les jambes. Sur ma route moitié terre moitié béton, une multitude d’arbres fruitiers sont plantés de chaque côté. Bananiers, pamplemoussiers, arbres à pain, citronniers, corrossols, cocotiers, manguiers, même des courges poussent au bord de la route qui grimpe et qui grimpe!
Atteignant presque le col, une voiture s’arrête à ma hauteur et m’invite à continuer avec eux. Marcher pour un Marquisiens n’a pas de sens. A moins d’aller à la chasse ! Et encore si ils peuvent y aller à cheval ils n’hésiteront pas!
Bon je ne vous cache pas que je suis bien heureuse de terminer mon excursion en voiture! Surtout quand je réalise tout le chemin qu’il me restait à parcourir pour me procurer une douzaine d’œufs.
Le plus extraordinaire, c’est que la voiture retourne à Hapatoni après son shopping. En route nous faisons connaissance, Pua et Kia, sont un jeune couple avec leurs trois enfants. Ils se marient ce samedi et me convient à la fête ! Ce sera un mariage traditionnel avec les danseurs de la troupe de Tahuata réunis. Quelle chance!
Danseuse elle-même, Pua me raconte la légende de la création des Marquises, et m’explique les spécialités de danse ou de chant de chaque île. Je reçois tellement d’informations pendant ce moment trop court que je la retrouve le lendemain dans son charmant village de Hapatoni caméra à la main pour l’interviewer et monter un petit reportage.
Nous choisissons de tourner les images sur le Me'ae ou marae (lieu de culte) qui se prête parfaitement à l’enregistrement de la légende de la création des Iles des Marquises.
Pour accéder au me’ae, on emprunte l’allée d’arbres de tamanu plantés par les anciens et qui bordent une voie royale pavée appelée «L’allée de la reine». Elle fut construite sur les ordres de la reine Vaekehu II au XIXe siècle. Les graines de tamanu permettent de fabriquer l’huile de tamanu, très prisée pour ses vertus reconnues de régénération de la peau.
Généralement en Polynésie française le terme de marae ou meae désigne une construction particulière, distincte des places de réunion ou de danse, et au caractère religieux et sacré très prononcé.
Le marae consiste généralement en une surface rectangulaire pavée de pierre, de corail ou nue, dont le périmètre est bordé de pierres plus hautes ou de bois. Il est parfois accompagné d'une terrasse pavée supportant des constructions en bois. Au centre de cette surface pavée, parfois sur un côté, une pierre est parfois dressée. Les plus grands marae sont parfois accompagnés de marae secondaires, de chemins et de surfaces dallées de pierres appelées paepae.
Leur mariage a lieu un samedi. Une centaines de chaises sont installées devant la charmante église en pierre d’Hapatoni. Un petit hôtel magnifiquement décoré de fleurs locales se tient juste devant les escaliers à l’entrée de l’église où trônent les deux chaises des mariés. Des ballons blancs sont suspendus dans les airs.
Nous débarquons au petit quai d’Hapatoni vêtu de nos plus beaux habits en même temps que le cortège de voiture revenu de la mairie de Vaitahu.
Les invités, tout le village et je dirais même toute l’île de Tahuata ont enfilé leurs plus beaux habits fleuris et colorés ; tout le monde se presse à rejoindre la place de l’église pour accueillir la mariée au bras de son papa.
Pua est magnifique, elle porte une longue robe blanche brodée de dentelle. Un voile lui recouvre la tête ornée d’une magnifique couronne faite en os et en écorce de coco sculptée. Un groupe de musiciens les accueille dans l’enceinte!
La cérémonie dure une bonne heure rythmée de paroles de dieux en marquisien, de discours en francais, de chansons festives le tout accompagné au son des ukulélés! Nous assistons avec grand bonheur à cette réunion.
Pour clôturer la cérémonie ou plutôt pour nous mettre en appétit, toute la troupe de danseurs de Tahuata nous offre un magnifique spectacle. Ils dansent le Ruu, le Pua, le cochon, le Haka Toua, pour enfin laisser les mariés danser celle du haka manu, la danse de l’oiseau qui termine cette cérémonie tout en douceur, tout en amour!
Pour les remercier de nous avoir permis d’assister à cette merveilleuse union, je dépose un gâteau au chocolat pour les mariés. Mais ne voulant pas gêner ou plutôt nous taper l’incruste au repas nous quittons la place dans la discrétion. Cependant une hôte nous invite à aller nous servir à manger. “C’est important de pouvoir partager le Kai Kai avec tout le monde y compris les gens de passage!”
Alors c’est d’un pas un peu gêné qu’on s’enfile et attendons notre tour pour se servir dans les marmites. Il y a de tout pour tout le monde. Et quand il y en a plus il y’en a encore! Avec Robin on se régale de méchoui de cochon et spécialités marquisiennes. Xenia elle attend patiemment le service du dessert!
Nous terminons le week-end en compagnie de Guylène et Dominique qui sont mouillés juste à côté de nous sur leur Via 42 en alu. Apéros, dîners, ateliers pâtisserie et gravure sur calebasse s’organisent sur leur bateau! On ne se quitte plus! Guylène est une vraie maman qui sait bien s’occuper de nous!
Cependant l’appel du retour vers notre baie préférée d’Hanaiapa se fait ressentir.
C’est donc juste après une baignade mémorable avec les dauphins de Hanatefau que nous mettons les voiles ce 26 juillet pour retourner à Hanaiapa au nord de l’île d’Hiva Oa.
HANAMENU
En chemin nous faisons escale à Hanamenu, une jolie baie sauvage qu'aucune route ne rejoint et où aucun téléphone ne capte quoi que ce soit. Cernée entre de hautes montagnes en pierre dans les tons rougeâtres comme celles d’un canyon, on y trouve une source, avec une eau délicieuse, qui se jette dans une grande vasque translucide, juste au bord de la plage. Un véritable petit oasis où Robin n’hésite pas une seconde à sauter dedans!
Il y a quelques maisons, perdues dans une pelouse parfaitement entretenue et chaque propriété est bordée de magnifiques fleurs et arbustes colorés bien taillés.
Il n'y a plus qu’une seule famille qui vit ici à l’année, les autres viennent le week-end ou pendant les vacances seulement.
Nous parcourons le sentier qui s’enfonce dans la vallée et découvrons une multitude de pae pae abrités par d’immenses mangiers. Jadis, la population était fort nombreuse ; en témoignent ces vestiges de pierre en ruine et l’étendue de la cocoteraie qui se perd loin dans la vallée. Il n'y a pas d'électricité qui arrive jusqu'ici et tous les transports doivent se faire en bateau.
Enfin seul un sentier nous relie à Atuona à une journée de marche . Peut être qu’un jour nous l’emprunterons.
Pour l’heure il est temps de remplir les cuve d’eau douce de Morgane avec cette délicieuse eau de source!
Le lendemain nous remontons l’ancre un peu tardivement et espérons passer la pointe de Matatepai avant que le vent ne forcisse.
Mais voilà quand on décide de faire une bonne grasse matinée, il faut endurer les conséquences. Celles-ci consistent en de bonnes douches d’eau salée sur le pont et un bateau qui se cabre à chaque rafale de vent et grosse vague de face!
Heureusement ça ne dure pas et le trajet était court! On y a même pris un certain plaisir!
De retour à Hanaiapa, c’est comme revenir à la maison!
En plus, c’est le dernier week-end des festivités de juillet et c’est aussi le dernier week-end des baraque à frites! Ça va être la fête!!
Nous faisons le tour du village pour revoir tous les amis et la famille... Car ici Vale et Tino, Jean-Yves, Marie et Cui, Maire et Fred, sont devenus notre famille par procuration !
Je passe le week-end en cuisine à aider Marie, Valé, Tapu, Vaia, Cui et Tino à servir du poulet-frites, du steak-frites, du Chow-men, du poisson cru, du cochon sauce soya et des glaces!
Je me mets même aux fourneaux pour proposer des acras de langouste à la sauce tartare afin d’agrémenter la carte du menu!
La journée du samedi 30 juillet restera une expérience mémorable mais surtout une sorte de tremplin social pour être reconnue parmi les habitants d’Hanaiapa.
Imaginez 10 équipes mixtes en couple s’affrontant tout à tour sur des épreuves de force de rapidité et d’agilité.
A la base nous n’étions pas autorisés à nous inscrire car l’épreuve du fameux CROSS FIT était réservé aux locaux seulement. Par manque de participants une place c’est libérée même une deuxième à laquelle nous avons inscrits nos amis Emma et Clément à participer aussi aux Jeux.
De 9h à 16h avec l’obligation de porter l’habit traditionnel avec des feuilles de Maoti nous nous sommes tous confrontés!
Entre porter des pierres de 60kg, soulever un pneu de tracteur et un tronc d’arbre sur 500m, pousser une voiture 6 cylindres, tirer à la corde, ou encore transporter au pas de course deux régimes de bananes les pieds attachés sur une distance de 500m .. il y avait du spectacle! Avec Robin on s’en est bien sorti à la 4eme place! depuis cette journée j’ai le droit à un prénom! On ne m’appelle plus la copine de Robin!
Et pendant ce temps là, ma chère Xenia est allée vivre à terre chez nos amis Valé et Tino.
GARDIENNAGE DE CATAMARAN
Le 30 juillet, le cata de Steve est arrivé directement depuis le Mexique dans la baie d’Hanaiapa. Entre deux épreuves de cross-fit, Robin et moi sommes vite allés en dingy leur souhaiter la bienvenue! Depuis la plage, il ne paraissait pas très grand... A peine arrivé à 5 mètres de la coque, on s’est rendu compte de l’immensité de la chose! Un petit immeuble flottant ,ce machin! Non, c’est juste un lagoon 77 à 3 étages! Et si tu veux faire le malin, tu peux sauter dans l’eau du 4ème étage à la hauteur de la bôme!
Steve Ravussin,qui est un ami suisse, est le skipper de ce géant des mers. Il cherchait un capitaine pour gardienner le cata aux Marquises le temps de son retour en Suisse. L’opportunité de travailler ne pouvait pas mieux tomber! Donc Robin a été nommé capitaine pour les deux mois qui s’ensuivirent. Et moi cuisinière! Non je rigole! Il y avait pas vraiment de job au départ car l’attendante Maylise restait à bord avec nous. Mais finalement, j’ai quand même dû mettre la main à la pâte ! Car l’entretien de ce cata, c’est un travail sans fin. Même si ce n’est pas trop notre truc de dormir dans des draps en soie, on y prend vite goût! Le plus fabuleux c’était la cuisine. Une cuisine équipée comme dans une maison où je dirais même comme dans un restaurant!
Bref pendant deux mois on a du coup pas bougé de la baie d’Hanaiapa. Ce qui ne nous a franchement pas dérangé. On profitait de nos fins de journées pour aller se défouler à terre à taper dans la balle ou jouer au Ping pong.
Ma filleule Xenia a vécu 10 jours à terre chez nos amis marquisiens pendant que nous astiquions les fonds du cata !
Elle est repartie le 16 août embaumée de senteurs marquisienne sous ses 4 colliers de fleurs et sa couronne sur la tête. Les passagers de l’avion ont sûrement apprécié l’odeur de la menthe, du basilic, des fleurs de Tiaré et de Frangipani.
VISITE DE MAUDE ET JULIEN
Le 10 septembre, on a reçu nos amis Maude et Julien à bord du cata pendant 10 jours. Les chanceux! Ça tombait bien pour eux. Chacun atteignant presque deux mètres de haut, ils se seraient sentis bien à l’étroit dans notre petite Morgane!
Ensemble nous sommes allés découvrir les sites ancestraux d’Hiva Oa, visiter les plus grands tikis en pierre de Polynésie, fouler le site de Taaoa où plus de mille paepae ont été découverts, poser avec le tiki souriant pour la photo de groupe, fait un petit peu de snorkelling dans la baie d’Hanaiapa, marcher jusqu’à La Croix pour voir la cascade se jetter dans la mer depuis le sommet, rejoint Hanatekua par la terre et sommes revenus en pirogue au cata et surtout on a bien mangé et bien rigolé à nos parties de cartes!
Maude étant joueuse professionnelle de volley elle a pu partager sa passion avec les locaux et même donner un entraînement aux plus jeunes!
Pendant que Robin emmenait Julien à une partie de chasse avec Tino, j'ai proposé à Maude d’aller faire une ballade à cheval avec Jérémie du côté de Atuona, une belle randonnée de 3h au pied du Mont Temetiu. Magnifique!
C’était sympa de les avoir avec nous!
Puis tout s’est enchaîné à une vitesse folle entre leur départ, les derniers nettoyages du cata et les arrivées décalées des membres de l’équipage. Bref le 30 septembre, nous regagnions le bord de Morgane pendant que le cata levait l'ancre pour continuer son voyage sur les Tuamotus.
Le 2 octobre, après un Kai Kai de rois avec tous nos amis chers de Hanaiapa, c’était notre tour de quitter la baie. Tellement qu’elle était mouvementée et devenue inconfortable de part la houle et le vent venant du Nord, nous avons levé l’ancre pour rejoindre le mouillage bien abrité et paradisiaque de Hanamoenoa au nord de l’île de Tahuata.
Quand on est arrivé ,j’ai dormi pendant 24h presque sans interruption tellement c’était calme ou que ma fatigue était grande?
Pendant mon sommeil, Robin est allé rendre visite à nos amis Veronique et Benoît sur Resorius qui venaient d’arriver dans la baie avec à leur tribord un immense espadon qui pendouillait! Robin est revenu sur Morgane avec un gros steak rosé dont j’ai fait des conserves!
Puis nous nous sommes levés à l’aube du 4 octobre pour passer le canal du Bordelais sans problème et rejoindre la baie de Tahauku au sud de Hiva Oa où nous avions rendez-vous avec le chef du chantier Vincent, pour sortir Morgane de l’eau. Notre chantier de routine commençait!
Elle me raconte que depuis notre départ de la baie, plus personne ne joue au volley, le centre du village est mort , le terrain de volley déserté. C’est mort! C’est devenu mortel de chez mortel”.
Je suis triste d’entendre ça.
Et je réalise que je n’ai pas eu le temps de raconter nos 4 derniers mois de vie.
Ai-je été dépassée par les événements ou le syndrome de la page blanche m’est il revenu? Il y a sûrement un peu des deux. Ou simplement je n’ai pas eu le temps de m’allonger avec mon iPhone à la main prête à écrire sur la page note, dans un coin tranquille et inspirant à la fois.
Quand on s’arrête de voyager, de bouger, ou de simplement naviguer, tout notre corps prend racine là où l’ancre est jetée. C’est exactement ce que nous vivons depuis notre arrivée dans la baie d’Hanaiapa. En participant à la vie communautaire activement comme: jouer au volley tous les jours de 15:30 à 18h, partager des repas, des parties de chasse ou de pêche, aider à la réparation d’un moteur hors bord, masser un dos ou un genou blessé, installer un montage électrique dans la maison de Jean-Yves, fabriquer des colliers, sculpter sur des noix de coco ou encore des callebasses, nous nous immergeons totalement à vivre le moment présent!
Et je me rends compte que dans ces moments-là qu'il m’est impossible de trouver ne serait-ce qu’une minute pour écrire un chapitre de notre expérience tellement la vie est intense ici et je dirais même ensorcelante !
Depuis que nous sommes installés en mode camping avec Morgane à sec au chantier de Vincent du côté d’Atuona, situé au sud de l’île d’Hiva Oa, j’ai à nouveau du temps pour écrire.. et vous raconter enfin nos 4 derniers mois.
MA FILLEULE EMBARQUE POUR 6 SEMAINES
Je démarre le 4 juillet quand ma filleule Xenia embarque sur Morgane avec un jour de retard. Toute seule et du haut de ses 11 ans, elle a traversé la terre pour nous rejoindre à l’autre bout du monde et passer toutes les vacances d’été aux Marquises! En commençant par louper son dernier vol de Tahiti à Hiva dû à la panne de réveil!! Heureusement bien logée à Tahiti chez une cousine d’une amie d’Hanaiapa, elle a eu la chance de visiter le marché de Papeete et assister à la messe!
Dès son arrivée à Hiva Oa, nous la présentons à toute la vallée d’Hanaiapa. Car depuis des semaines que j’ai annoncé sa visite, tout le monde veut la voir.
A peine débarquée chez Marie ( la sœur de Valé) où on dit aussi Marie à Cui (qui est son mari), bref, je la retrouve perchée dans le grand manguier à cueillir des mangues et 5 minutes plus tard à s’efforcer à décortiquer une coco sous les conseils de Vale et Tino.
Maintenant que les bases de la vie marquisienne lui sont inculquées, nous pouvons poursuivre notre escapade.
Le but étant d’assister ensemble au festival des arts des Marquises qui débute le 7 juillet jusqu’au 10 juillet sur l’île de Fatu Hiva à une journée de navigation d’Hiva Oa.
Le petit hic,, c’est le vent qui en cette période de l’année souffle principalement du sud-est là où on veut aller!
Alors un petit détour ou plutôt une mise en jambe s’improvise pour rejoindre la baie de Hanamenoa bordée d’une magnifique plage de sable blanc et située au nord-ouest de l’île de Tahuata.
Deux petites heures de navigation qui nous montre que Xenia ne supporte pas beaucoup les effets rouleurs du bateau! Mais heureusement que ça ne dure pas et la baignade dans l’eau turquoise avec la visite d’une raie manta lui fait vite oublier son mal de mer. Encore faut-il qu’elle ait enfilé ses deux combinaisons Néoprène et surtout ses palmes avant de sauter à l’eau, de peur de se faire croquer par un petit poisson!?
Les conditions météo s’annoncent trop fortes pour rejoindre l’île de Fatu Hiva le 7 juillet. Alors nous restons dans cette magnifique baie au plan d’eau calme et bien garnie de poisson pour fêter mon anniversaire! Au menu: stick de poissons chirurgiens pannés et gâteau au chocolat avec son coulis de mangue! Le tout orchestré par mon amour de Robin et ma princesse Xenia! Je suis aux anges!
FATU HIVA
Le 8 juillet nous levons l’ancre à 3 heures du matin afin de faire un maximum de nave sans trop de vent et avec une Xenia en train de dormir.
6 heures plus tard et en tirant un seul bord au près notre arrivée à Omoa est bien méritée. Nous nous rafraîchissons par un plongeon du bateau pour aller vérifier notre mouillage, voir si notre ancre a bien croché.
Contrairement au mouillage hyper calme de Tahuata ici c’est le souk, trop de bateaux pour une baie trop profonde et très mal abritée de la houle. Morgane se dandine de gauche à droite. C’est franchement pas l’endroit idéal pour poser sa pioche comme on dit entre voileux et quitter le bord pour aller s’amuser à terre.
Heureusement que le vent lui est complètement tombé ce qui nous rassure énormément et nous permet d’aller quand même assister au spectacle.
Avant de vous en dire plus voici un peu d’histoire et le pourquoi il était important pour nous d’assister à ce festival des arts des Marquises, l’essence même du peuple marquisien.
Le Festival des arts des Marquises
« La fête a toujours revêtu une importance majeure aux Marquises. Elle est non seulement un ciment de la vie sociale, mais aussi, comme le dit M-N. Ottino, "la plus sûre démonstration du prestige des communautés". De tout temps, bien avant l'arrivée des européens, on se lançait dans de véritables compétitions touchant des domaines variés, la danse et la chorégraphie n'étant pas des moindres. Après une longue période de déclin, le sens de la fête, de la danse et de la compétition par les chorégraphies renaissent. La danse est l'affaire de tout le monde.
Regroupés en associations, souvent par "vallées", les Marquisiens se sont réappropriés l'esprit qui animait leurs célébrations. L'association Te Hina o Motu Haka de Nuku Hiva est l'illustration d'un regroupement de personnes partageant une passion commune : la danse. La transmission est ainsi assurée, les très jeunes sont initiés non seulement à la danse, mais aussi aux instruments et à la fabrication des costumes.
Henua Enana, ou Terre des Hommes est le nom marquisien de cet archipel de 12 îles qui couvrent 997 km2 dans l'Océan Pacifique. Les îles hautes, d'origine volcanique, ne possèdent pas de récifs coralliens. Elles furent découvertes en 1595 par le navigateur espagnol Alvaro de Mendana qui leur donna le nom de islas de las Marquesas en l'honneur de son protecteur, le Marquis de Cañete, qui était également vice-roi du Pérou. Située à 1500 km au Nord Est de Papeete, Nuku Hiva est l'île la plus étendue de l'archipel et son centre administratif.
L'évangélisation catholique commença en 1839, confortée par l'annexion française en 1842.
Nuku Hiva entra alors dans de longues années de déclin : épidémies, raids de négriers, alcoolisme et consommation d'opium : d'une population estimée à environ 12 000 habitants en 1842, il ne restait que 634 personnes en 1934 ! Il fallut attendre le début des années 1920 quand le docteur Rollin, médecin et administrateur des Marquises s'attaqua aux problèmes sanitaires avec succès, enrayant la chute de la courbe de natalité. À la fin des années 1950, la population avait doublé.
Ce que l'on rapporte aussi de cette période, c'est la profonde tristesse dans laquelle s'enlisaient les Marquisiens : la lente mais sûre évangélisation détruisit les structures traditionnelles en interdisant la pratique du tatouage, la danse et le chant. Les tiki sont détruits ou envoyés en Europe comme preuve de la conversion de la population. La culture de tradition orale ne peut résister à ce massacre et disparaît quasiment. C'est avec l'arrivée de Mgr Hervé Le Cléac'h, Evêque des Marquises, que le "réveil" se fera. Mgr Le Cléac'h se souvient avoir appris le français à l'école car, chez lui, on parlait le breton. Il se souvient aussi des punitions subies par les enfants qui prononçaient un mot de breton en classe. Sensible à ces questions, il rassemble autour de lui un groupe de jeunes instituteurs et de personnes motivées qui rêvent de défendre la langue marquisienne.
Une des figures emblématiques de ce mouvement de réveil identitaire était Lucien Kimitete, maire de Nuku Hiva de 1991 à 2002, année de sa disparition à bord d'un avion en mer. Ils créent en 1978 la première association culturelle des Marquises, un rassemblement du peuple marquisien pour la défense du patrimoine culturel : ainsi est né Te Motu Haka o Te Henua Enana (le rassemblement de la Terre des Hommes). Motu Haka obtient la reconnaissance officielle de la langue de l'archipel et en 1999, l'Académie Marquisienne est créée. Commence alors une course contre la montre et un long travail de collecte de tout le patrimoine oral et de tous les savoirs faire auprès des anciens qui ont gardé dans leur mémoire la culture de leurs ancêtres. Cela ne fut pas toujours facile, car, en plus des questions relatives à la propriété d'un savoir faire, nombreux étaient ceux qui répugnaient à délivrer des informations devenues tabou.
Georges Teikiehuupoko relate que le recours à Mgr Le Cléac'h, qui cautionnait ce travail de collecte, était alors le seul moyen pour convaincre les réticents. C'est ainsi que l'on essaya aussi de retrouver la dynamique formelle des danses et les éléments de la culture ancestrale dont elle était l'expression.
En 1987 est organisé à Ua Pou le premier Festival des Arts des Iles Marquises. Il s'est tout de suite imposé comme un événement majeur pour la mise en valeur de l'héritage culturel et festif du peuple des Marquises. Le festival qui a lieu tous les deux ans est le moment privilégié où des groupes de danseurs de toutes les îles (un groupe pouvant regrouper jusqu'à 100 personnes qui prennent toutes part à la danse en même temps) peuvent se confronter et se défier par la danse et les chorégraphies inventives dans une atmosphère de communes réjouissances.
Car c'est bien là ce qu'il faut surtout retenir des danses marquisiennes : inventivité pour se lancer des défis, joie de la fête, bonheur de danser et fierté d'exprimer son identité marquisienne. »
OMOA
Cette année 2022, c’est sous le thème « Te ‘Eo Taetae Tupuna », « La langue, héritage ancestral » que les 6 îles démontreront tour à tour leurs dances et leurs chants accompagnés du son des pahu et des mave mai.
Le débarquement au quai est périlleux car une forte houle s’engouffre dans le petit port. Il faut attendre le bon moment pour sauter hors de l’annexe et en même temps la hisser hors de l’eau et l’attacher à un arbre en hauteur.
En rejoignant la place où se tient les festivités, nous apercevons dans les « puhaparaa » (hébergements), les artistes qui ajustent leurs costumes, peaufinent les derniers détails avant de monter sur scène.
L’émotion est palpable, car bien plus qu’un festival, cet évènement marque sans conteste le grand retour de la culture marquisienne, et illustre l’attachement de ce peuple à son identité.
Il y a beaucoup de monde dans l’enceinte et les chaises manquent. Nous rejoignons Guylène et Dominique, nos amis suisses qui nous ont gardé trois petites places devant leurs pieds. On s’installe par terre sur mon paréo les fesses à moitié dans le caniveau pour assister au spectacle à ciel ouvert. A 19h les premiers coups de tambours (pahu) sont frappés. Nous accueillons les danseurs de Ua Huka les yeux bien écarquillés, la bouche grande ouverte, l’appareil photo prêt à mitrailler et des frissons plein le corps nous envahissent. Ils mettent à l’honneur la danse de l’oiseau appelé en marquisien le « hakamanu » où chaque danseuse représente un oiseau endémique des Marquises tel que le Pihiti, le Monarque de Fatu Hiva, le Toake (paille en queue), le Upe (pigeon impérial ) de Nuku Hiva ou encore le Inake (sterne) et le Pahi (Martin chasseur) de Tahuata.
En deuxième partie de soirée, les danseuses et danseurs de la troupe de Hiva Oa ont enflammé le tohua Anitau en nous offrant un spectacle grandiose tout en puissance! Ils ont mis en scène la légende du Dieu Oatea et de sa femme Atanua à travers 4 magnifiques tableaux pendant plus de 45 minutes. Leur passion se lisait sur les visages, si bien que même la pluie qui s’est invitée en cours de spectacle n’aura pas eu raison de leur détermination.
« Ce soir à travers notre spectacle nous disons que notre langue, la langue marquisienne est la plus belle du monde » a fièrement déclaré Tefa Tehaamoana, chef de la troupe de Hiva Oa.
Ce fut une soirée riche en émotions!
Le samedi midi un grand repas est organisé et offert à tous les festivaliers et danseurs. Les délégations de Hiva Oa, Tahuata, Nuku Hiva, Ua Pou, Fatu Hiva et Ua Huka ont préparé leurs mets qu'ils ont enterrés pour être cuits à l'étouffée depuis la veille dans leur four marquisien, le Umu Kai.
Ce sont plusieurs tonnes de denrées alimentaires qui sont ainsi offertes aux visiteurs et festivaliers. Une véritable fierté pour chaque délégation de présenter ses spécialités.
Nous goûtons au cochon, à la chèvre, au crabe, au poke de potiron, au poisson cru au lait de coco, au kaaku prononcé [kaakou], c'est le fruit de l'arbre à pain cuit dans les braises du feu, puis malaxé à l'eau avec un pilon et baigné dans le lait de coco. Un vrai festin. Tellement c’est bon que nous nous resservons.
Pendant que Xenia et Robin vont se baigner dans les vagues, j’assiste à la confection du fameux tapa.
Le mot "tapa" (kahu en marquisien)
désigne les étoffes en écorce battue.
Elles sont habituellement fabriquées par les femmes et ont toujours tenu une place importante dans la vie sociale des îles hautes polynésiennes.
« Les tapas sont produits à partir des écorces du mûrier (ute - broussoneta papyrifera) pour réaliser les étoffes blanches, des jeunes arbres à pain (tumu mei - artocarpus altilis) ou du banian (aoa - ficus prolixa) pour les étoffes brun-rouge.
Les étoffes blanches étaient utilisées par les personnages de haute condition, les étoffes en banian réservées principalement aux prêtres.
Le procédé consiste à détacher l'écorce puis à la racler pour ne garder que sa partie interne.
Après assouplissement dans l'eau, les écorces sont battues au moyen de battoirs en bois dur comme le filao.
Puis elles sont pliées en plusieurs couches et rebattues plusieurs fois jusqu'à obtenir une étoffe plus ou moins fine.
Traditionnellement, les étoffes étaient rarement décorées; elles étaient généralement imprégnées d'une teinture jaune d' eka (curcuma). Aujourd'hui, les tapas servent de support à des décorations variées inspirées des motifs utilisés en sculpture ou pour les tatouages.
La production de tapa est devenue une des spécialités de l'île de Fatu Hiva. »
Ce soir avant de rejoindre les festivités, nous prenons un joli apéro sur Manutea, le voilier d’Emma et Clément. A son bord nous rencontrons un autre couple de jeune, Anais et Louis venus aussi tout droit de Tahiti avec leur bateau Maoti. Ensemble nous rejoignons le site de Anitau pour assister aux dernières représentations de danceurs de Nuku Hiva et Fatu Hiva.
Lors de notre arrivée à Nuku Hiva en mai dernier, nous avions eu la chance d’assister au début des répétitions de leurs dances et de leurs chants. Ce soir habillés avec leurs costumes fait de tapa peint en noir et beige ils nous en mettent plein la vue!
LA BAIE DES VIERGES
Dimanche matin, il est temps de quitter le mouillage rouleur à souhait d’Omoa pour rejoindre les amis voileux dans la fameuse baie des Vierges, baie d’une telle splendeur qu’elle est reconnue pour être une des plus belles au monde.
On trouve au fond de cette baie une morphologie caractéristique de l'érosion en pays volcanique intertropical humide, avec parois très raides, gorges profondes, pitons et pinacles dressés verticalement…
À cause de cette morphologie particulière des figures engendrées par l'érosion, cette baie était appelé Baie des Verges, sans doute par les Polynésiens et certainement par les matelots européens. Son nom fut transformé en Baies des Vierges par les missionnaires (un peu pudibonds) du XIXème siècle.
Ici le plan d’eau est plat mais le vent souffle fort! L’orientation de la baie offre un effet venturi quotidien! Mais ça n’empêche pas Xenia à se jeter à l’eau pour rejoindre le bateau des copains situé de l’autre côté de la baie. Elle prend confiance et c'est bon signe!
Nous restons une petite semaine devant le village d’Hanavave.
Une jolie marche s’impose sur les hauteurs de la vallée pour admirer cette vallée très escarpée et de toute beauté.
La vue au sommet est splendide! Robin fabrique un arc pour Xenia et l’encourager à la ballade ..
Entre session de wakefoil tractée par l’annexe puissante de Louis et Anais, pêche au harpon ou à la langouste, baignade dans la cascade, fabrication de notre tapa et remplissage des bidons d’eau de source, nos journées passent trop vite!
TAHUATA
Nous quittons la baie des Vierges le 17 juillet et nous nous remettons en route pour rejoindre l’île de Tahuata. Un groupe de dauphins nous escorte jusqu’à la pointe nord de Fatu Hiva. Une belle navigation sous voiles avec du vent portant de travers-cul nous permet en 9 heures de rejoindre la première baie située au sud-ouest de Tahuata.
Nous mouillons dans 10 mètres d’eau devant une plage de galets anthracites où une petite baraque tient sur pilotis, entourée de cocotiers et de manguiers. Nous sommes dans la baie de Hanatefau située juste au nord du village d’Hapatoni.
Xenia profite du calme de la baie pour pêcher à la canne à pêche depuis le pont de Morgane.. au bout de quelques heures enfin ça mord et ça reste croché à l’hameçon!! Encore étonnée par sa touche, elle inspecte avec stupeur son premier poisson pêché. C’est un petit ocre de couleur rouge. Robin l’aide à le remettre à l’eau.
Nous nageons en compagnie de raies manta, de dauphins et de requins à pointe noire.Heureusement ceux là ne sont pas du tout intéressés à nous approcher! Je retiendrai juste la question de Xenia nageant en totale confiance à quelques mètres de moi qui me demande entre deux plongeons :
« Il y a quand même des gros poisson ici. C’était quoi celui là?»
Je lui répond: « Un petit requin »
Ni une ni deux elle se retrouve perchée sur mon dos à presque me faire couler! Heureusement Morgane n’est pas loin et nous pouvons regagner son bord saines et sauves!
L’envie de faire des gâteaux et des crêpes surgit un matin. Mais il me manque des œufs! Je pars donc à terre à la recherche d’œufs! C’est bien dommage qu’avec la quantité de poules et de coq qu’il y a dans la nature il n’y a pas moyen de trouver des œufs frais aux pieds des cocotiers.
La marche pour rejoindre le village de Vaitahu où se trouve le petit supermarché prend 1h30 - 2h (à pieds) .. ça tombe bien j’ai besoin de me défouler les jambes. Sur ma route moitié terre moitié béton, une multitude d’arbres fruitiers sont plantés de chaque côté. Bananiers, pamplemoussiers, arbres à pain, citronniers, corrossols, cocotiers, manguiers, même des courges poussent au bord de la route qui grimpe et qui grimpe!
Atteignant presque le col, une voiture s’arrête à ma hauteur et m’invite à continuer avec eux. Marcher pour un Marquisiens n’a pas de sens. A moins d’aller à la chasse ! Et encore si ils peuvent y aller à cheval ils n’hésiteront pas!
Bon je ne vous cache pas que je suis bien heureuse de terminer mon excursion en voiture! Surtout quand je réalise tout le chemin qu’il me restait à parcourir pour me procurer une douzaine d’œufs.
Le plus extraordinaire, c’est que la voiture retourne à Hapatoni après son shopping. En route nous faisons connaissance, Pua et Kia, sont un jeune couple avec leurs trois enfants. Ils se marient ce samedi et me convient à la fête ! Ce sera un mariage traditionnel avec les danseurs de la troupe de Tahuata réunis. Quelle chance!
Danseuse elle-même, Pua me raconte la légende de la création des Marquises, et m’explique les spécialités de danse ou de chant de chaque île. Je reçois tellement d’informations pendant ce moment trop court que je la retrouve le lendemain dans son charmant village de Hapatoni caméra à la main pour l’interviewer et monter un petit reportage.
Nous choisissons de tourner les images sur le Me'ae ou marae (lieu de culte) qui se prête parfaitement à l’enregistrement de la légende de la création des Iles des Marquises.
Pour accéder au me’ae, on emprunte l’allée d’arbres de tamanu plantés par les anciens et qui bordent une voie royale pavée appelée «L’allée de la reine». Elle fut construite sur les ordres de la reine Vaekehu II au XIXe siècle. Les graines de tamanu permettent de fabriquer l’huile de tamanu, très prisée pour ses vertus reconnues de régénération de la peau.
Généralement en Polynésie française le terme de marae ou meae désigne une construction particulière, distincte des places de réunion ou de danse, et au caractère religieux et sacré très prononcé.
Le marae consiste généralement en une surface rectangulaire pavée de pierre, de corail ou nue, dont le périmètre est bordé de pierres plus hautes ou de bois. Il est parfois accompagné d'une terrasse pavée supportant des constructions en bois. Au centre de cette surface pavée, parfois sur un côté, une pierre est parfois dressée. Les plus grands marae sont parfois accompagnés de marae secondaires, de chemins et de surfaces dallées de pierres appelées paepae.
Leur mariage a lieu un samedi. Une centaines de chaises sont installées devant la charmante église en pierre d’Hapatoni. Un petit hôtel magnifiquement décoré de fleurs locales se tient juste devant les escaliers à l’entrée de l’église où trônent les deux chaises des mariés. Des ballons blancs sont suspendus dans les airs.
Nous débarquons au petit quai d’Hapatoni vêtu de nos plus beaux habits en même temps que le cortège de voiture revenu de la mairie de Vaitahu.
Les invités, tout le village et je dirais même toute l’île de Tahuata ont enfilé leurs plus beaux habits fleuris et colorés ; tout le monde se presse à rejoindre la place de l’église pour accueillir la mariée au bras de son papa.
Pua est magnifique, elle porte une longue robe blanche brodée de dentelle. Un voile lui recouvre la tête ornée d’une magnifique couronne faite en os et en écorce de coco sculptée. Un groupe de musiciens les accueille dans l’enceinte!
La cérémonie dure une bonne heure rythmée de paroles de dieux en marquisien, de discours en francais, de chansons festives le tout accompagné au son des ukulélés! Nous assistons avec grand bonheur à cette réunion.
Pour clôturer la cérémonie ou plutôt pour nous mettre en appétit, toute la troupe de danseurs de Tahuata nous offre un magnifique spectacle. Ils dansent le Ruu, le Pua, le cochon, le Haka Toua, pour enfin laisser les mariés danser celle du haka manu, la danse de l’oiseau qui termine cette cérémonie tout en douceur, tout en amour!
Pour les remercier de nous avoir permis d’assister à cette merveilleuse union, je dépose un gâteau au chocolat pour les mariés. Mais ne voulant pas gêner ou plutôt nous taper l’incruste au repas nous quittons la place dans la discrétion. Cependant une hôte nous invite à aller nous servir à manger. “C’est important de pouvoir partager le Kai Kai avec tout le monde y compris les gens de passage!”
Alors c’est d’un pas un peu gêné qu’on s’enfile et attendons notre tour pour se servir dans les marmites. Il y a de tout pour tout le monde. Et quand il y en a plus il y’en a encore! Avec Robin on se régale de méchoui de cochon et spécialités marquisiennes. Xenia elle attend patiemment le service du dessert!
Nous terminons le week-end en compagnie de Guylène et Dominique qui sont mouillés juste à côté de nous sur leur Via 42 en alu. Apéros, dîners, ateliers pâtisserie et gravure sur calebasse s’organisent sur leur bateau! On ne se quitte plus! Guylène est une vraie maman qui sait bien s’occuper de nous!
Cependant l’appel du retour vers notre baie préférée d’Hanaiapa se fait ressentir.
C’est donc juste après une baignade mémorable avec les dauphins de Hanatefau que nous mettons les voiles ce 26 juillet pour retourner à Hanaiapa au nord de l’île d’Hiva Oa.
HANAMENU
En chemin nous faisons escale à Hanamenu, une jolie baie sauvage qu'aucune route ne rejoint et où aucun téléphone ne capte quoi que ce soit. Cernée entre de hautes montagnes en pierre dans les tons rougeâtres comme celles d’un canyon, on y trouve une source, avec une eau délicieuse, qui se jette dans une grande vasque translucide, juste au bord de la plage. Un véritable petit oasis où Robin n’hésite pas une seconde à sauter dedans!
Il y a quelques maisons, perdues dans une pelouse parfaitement entretenue et chaque propriété est bordée de magnifiques fleurs et arbustes colorés bien taillés.
Il n'y a plus qu’une seule famille qui vit ici à l’année, les autres viennent le week-end ou pendant les vacances seulement.
Nous parcourons le sentier qui s’enfonce dans la vallée et découvrons une multitude de pae pae abrités par d’immenses mangiers. Jadis, la population était fort nombreuse ; en témoignent ces vestiges de pierre en ruine et l’étendue de la cocoteraie qui se perd loin dans la vallée. Il n'y a pas d'électricité qui arrive jusqu'ici et tous les transports doivent se faire en bateau.
Enfin seul un sentier nous relie à Atuona à une journée de marche . Peut être qu’un jour nous l’emprunterons.
Pour l’heure il est temps de remplir les cuve d’eau douce de Morgane avec cette délicieuse eau de source!
Le lendemain nous remontons l’ancre un peu tardivement et espérons passer la pointe de Matatepai avant que le vent ne forcisse.
Mais voilà quand on décide de faire une bonne grasse matinée, il faut endurer les conséquences. Celles-ci consistent en de bonnes douches d’eau salée sur le pont et un bateau qui se cabre à chaque rafale de vent et grosse vague de face!
Heureusement ça ne dure pas et le trajet était court! On y a même pris un certain plaisir!
De retour à Hanaiapa, c’est comme revenir à la maison!
En plus, c’est le dernier week-end des festivités de juillet et c’est aussi le dernier week-end des baraque à frites! Ça va être la fête!!
Nous faisons le tour du village pour revoir tous les amis et la famille... Car ici Vale et Tino, Jean-Yves, Marie et Cui, Maire et Fred, sont devenus notre famille par procuration !
Je passe le week-end en cuisine à aider Marie, Valé, Tapu, Vaia, Cui et Tino à servir du poulet-frites, du steak-frites, du Chow-men, du poisson cru, du cochon sauce soya et des glaces!
Je me mets même aux fourneaux pour proposer des acras de langouste à la sauce tartare afin d’agrémenter la carte du menu!
La journée du samedi 30 juillet restera une expérience mémorable mais surtout une sorte de tremplin social pour être reconnue parmi les habitants d’Hanaiapa.
Imaginez 10 équipes mixtes en couple s’affrontant tout à tour sur des épreuves de force de rapidité et d’agilité.
A la base nous n’étions pas autorisés à nous inscrire car l’épreuve du fameux CROSS FIT était réservé aux locaux seulement. Par manque de participants une place c’est libérée même une deuxième à laquelle nous avons inscrits nos amis Emma et Clément à participer aussi aux Jeux.
De 9h à 16h avec l’obligation de porter l’habit traditionnel avec des feuilles de Maoti nous nous sommes tous confrontés!
Entre porter des pierres de 60kg, soulever un pneu de tracteur et un tronc d’arbre sur 500m, pousser une voiture 6 cylindres, tirer à la corde, ou encore transporter au pas de course deux régimes de bananes les pieds attachés sur une distance de 500m .. il y avait du spectacle! Avec Robin on s’en est bien sorti à la 4eme place! depuis cette journée j’ai le droit à un prénom! On ne m’appelle plus la copine de Robin!
Et pendant ce temps là, ma chère Xenia est allée vivre à terre chez nos amis Valé et Tino.
GARDIENNAGE DE CATAMARAN
Le 30 juillet, le cata de Steve est arrivé directement depuis le Mexique dans la baie d’Hanaiapa. Entre deux épreuves de cross-fit, Robin et moi sommes vite allés en dingy leur souhaiter la bienvenue! Depuis la plage, il ne paraissait pas très grand... A peine arrivé à 5 mètres de la coque, on s’est rendu compte de l’immensité de la chose! Un petit immeuble flottant ,ce machin! Non, c’est juste un lagoon 77 à 3 étages! Et si tu veux faire le malin, tu peux sauter dans l’eau du 4ème étage à la hauteur de la bôme!
Steve Ravussin,qui est un ami suisse, est le skipper de ce géant des mers. Il cherchait un capitaine pour gardienner le cata aux Marquises le temps de son retour en Suisse. L’opportunité de travailler ne pouvait pas mieux tomber! Donc Robin a été nommé capitaine pour les deux mois qui s’ensuivirent. Et moi cuisinière! Non je rigole! Il y avait pas vraiment de job au départ car l’attendante Maylise restait à bord avec nous. Mais finalement, j’ai quand même dû mettre la main à la pâte ! Car l’entretien de ce cata, c’est un travail sans fin. Même si ce n’est pas trop notre truc de dormir dans des draps en soie, on y prend vite goût! Le plus fabuleux c’était la cuisine. Une cuisine équipée comme dans une maison où je dirais même comme dans un restaurant!
Bref pendant deux mois on a du coup pas bougé de la baie d’Hanaiapa. Ce qui ne nous a franchement pas dérangé. On profitait de nos fins de journées pour aller se défouler à terre à taper dans la balle ou jouer au Ping pong.
Ma filleule Xenia a vécu 10 jours à terre chez nos amis marquisiens pendant que nous astiquions les fonds du cata !
Elle est repartie le 16 août embaumée de senteurs marquisienne sous ses 4 colliers de fleurs et sa couronne sur la tête. Les passagers de l’avion ont sûrement apprécié l’odeur de la menthe, du basilic, des fleurs de Tiaré et de Frangipani.
VISITE DE MAUDE ET JULIEN
Le 10 septembre, on a reçu nos amis Maude et Julien à bord du cata pendant 10 jours. Les chanceux! Ça tombait bien pour eux. Chacun atteignant presque deux mètres de haut, ils se seraient sentis bien à l’étroit dans notre petite Morgane!
Ensemble nous sommes allés découvrir les sites ancestraux d’Hiva Oa, visiter les plus grands tikis en pierre de Polynésie, fouler le site de Taaoa où plus de mille paepae ont été découverts, poser avec le tiki souriant pour la photo de groupe, fait un petit peu de snorkelling dans la baie d’Hanaiapa, marcher jusqu’à La Croix pour voir la cascade se jetter dans la mer depuis le sommet, rejoint Hanatekua par la terre et sommes revenus en pirogue au cata et surtout on a bien mangé et bien rigolé à nos parties de cartes!
Maude étant joueuse professionnelle de volley elle a pu partager sa passion avec les locaux et même donner un entraînement aux plus jeunes!
Pendant que Robin emmenait Julien à une partie de chasse avec Tino, j'ai proposé à Maude d’aller faire une ballade à cheval avec Jérémie du côté de Atuona, une belle randonnée de 3h au pied du Mont Temetiu. Magnifique!
C’était sympa de les avoir avec nous!
Puis tout s’est enchaîné à une vitesse folle entre leur départ, les derniers nettoyages du cata et les arrivées décalées des membres de l’équipage. Bref le 30 septembre, nous regagnions le bord de Morgane pendant que le cata levait l'ancre pour continuer son voyage sur les Tuamotus.
Le 2 octobre, après un Kai Kai de rois avec tous nos amis chers de Hanaiapa, c’était notre tour de quitter la baie. Tellement qu’elle était mouvementée et devenue inconfortable de part la houle et le vent venant du Nord, nous avons levé l’ancre pour rejoindre le mouillage bien abrité et paradisiaque de Hanamoenoa au nord de l’île de Tahuata.
Quand on est arrivé ,j’ai dormi pendant 24h presque sans interruption tellement c’était calme ou que ma fatigue était grande?
Pendant mon sommeil, Robin est allé rendre visite à nos amis Veronique et Benoît sur Resorius qui venaient d’arriver dans la baie avec à leur tribord un immense espadon qui pendouillait! Robin est revenu sur Morgane avec un gros steak rosé dont j’ai fait des conserves!
Puis nous nous sommes levés à l’aube du 4 octobre pour passer le canal du Bordelais sans problème et rejoindre la baie de Tahauku au sud de Hiva Oa où nous avions rendez-vous avec le chef du chantier Vincent, pour sortir Morgane de l’eau. Notre chantier de routine commençait!