Traversée de la mer de Cortez
Traversée de la mer de CortezVendredi 4 mars:
Les premiers rayons de soleil ont atteint le cockpit de Morgane. Le ronronnement des camions se fait entendre. Les chiens du restaurant Bellavista aboient à tue tête. Morgane se dandine au passage des pangas qui sont en route pour aller pêcher du poisson ou emmener les premiers touristes nager avec les lions de mer.
Allez hop ! Il est temps de sortir du lit et d’aller faire le café!
Il fait bon dans le bateau même un peu trop chaud sur le pont pour 7h30 du matin. Enfin 25 degrés Celsius c’est la température idéale pour faire lever mon levain!
La veille nous avons déposé notre ami Jon de l’Alaska à la Paz et bu 2 margaritas à notre petit restaurant préféré.
Complètement pompettes, nous sommes allés faire les courses au marché, le sourire scotché aux lèvres, l’espagnol coulait de source! Comme c’était drôle!
Ce mois de février, on est parti explorer un bout du nord de la mer de Cortez. Nous sommes montés jusqu’à San Juanico. Puis nous sommes redescendus en passant prendre notre ami Jon à Loreto pour retourner ensemble tranquillement à la Paz. 15 jours à découvrir des nouveaux endroits, mouiller dans des petites baies remplies de pélicans et de Fous de Bassan, pêcher du crabe, du poulpe et des poissons au harpon. Le plus incroyable a été notre navigation depuis Los Gatos en direction de l’île de San Jose au nord du chenal où l'on s’est retrouvés à tirer des bords au milieu de plus de mille dauphins. C’était vraiment spectaculaire.
Cette escapade, tous les messages réconfortants de ma famille et des amis et dame nature qui nous offre chaque jours des surprises étonnantes m’a permis de passer ma déprime et retrouver le sourire!
Le soleil brille à nouveau de tous ses feux au dessus de Morgane.
Il est 8:30 Robin remonte l’ancre tranquillement pendant que je m’assure que tout est calé à l’intérieur du bateau. Même si pour aujourd’hui la mer est d’huile!
Hasta luego Playa Pichilingue!
Un dernier clin d’œil à cette jolie baie idéalement située au nord de la Paz, reliée par les transports « collectivo » et surtout très bien protégée de tous les vents et de la vague! C’était devenu notre quartier général pendant ces 4 derniers mois.
4 mois déjà! Le temps passe vite !
Malheureusement on a pas eu le temps de tout visiter, tout voir et tout faire. Même si je pense qu’on a vu le plus beau que la mer de Cortez pouvait nous offrir à cette période-là!
Et puis c’est bien de pas tout voir du premier coup car ça nous permet de rêver à notre prochaine visite. La baleine bleue, ça sera pour la prochaine fois!
Nager avec des requins baleines. Danser avec des phoques. S’extasier devant le spectacle d’une baleine à bosse en pleine euphorie au dessus de l’eau.
Pratiquer notre passion du kitesurf dans une eau turquoise et sans personne. Mouiller l’ancre dans des baies paradisiaques. Marcher au sommet des montagnes pour avoir une meilleure prise de vue. Grimper dans les canyons aux roches rouges, se faufiler entre les cactus tout en évitant de marcher sur les trous de migales géantes. S’approcher au plus près très discrètement des fous à pieds bleus.
Pêcher au harpon notre repas du soir. Admirer un nuage de krill. Visiter la mission de San Javier. Manger des fish tacos et boire une margarita les pieds dans le sable. Savourer chaque coucher de soleil sur la Sierra Giganta. Retrouver des amis d’Alaska sur la place de Loreto. Troquer des piles AA contre un énorme mahi-mahi avec les pêcheurs locaux. Faire les courses au marché local de la Paz. Pratiquer notre espagnol avec les mexicains. Inviter du monde à bord de Morgane. Naviguer sous Spi sur une mer plate. Faire du skate le long du joli malecon de la Paz. Tirer des bords au milieu de milliers de dauphins. Chopper le Covid et prier pour qu’il pleuve. Bref on ne s’est pas ennuyé dans la mer de Cortez.
Aujourd’hui cap au sud!
Le vent du Nord est encore bien timide ce matin. C’est pas plus mal d’être au moteur pour passer sans encombre le canal Bajo San Lorenzo situé entre L’île d’Esperitus Santo et la pointe nord de la péninsule de la Paz. Car avec les 3 noeuds de courant contraire au vent ça peut chahuter un peu!
Au programme de la journée; parcourir 40 milles nautiques pour rejoindre la baie de Los Muertos située au sud de la Ventana et profiter d’un dernier dodo au calme avant la traversée de la mer de Cortez.
Nous croisons beaucoup de tortues, des dauphins mais toujours pas de mahi-mahi ou de yellow fin au bout de la ligne de pêche que nous traînons derrière Morgane.
Nous faisons un petit détour pour ramasser un déchet flottant. Car en tant que bon bateau belge nous nous devons de ramasser cette frite en mousse (ustensile de baignade bien utile).
Décidément le vent du Nord ne se lève pas. Nous avançons le reste de la journée au moteur sur une mer d’huile. Au sud de l’île de Cousteau, on essaie de capturer les sauts périlleux improbables des raies mobula.. décidément impossible à photographier en l’air. On peut tout juste immortaliser le bout de leurs ailes hors de l’eau. Elles sont en mode bronzette! Comme les tortues elles sont des centaines ou des milliers à profiter de la richesse de la mer Cortez où le plancton prolifère à merveille.
Nous rejoignons 4 autres bateaux mouillés dans la baie de Los Muertos et profitons d’une soirée chaude sans vent pour prendre un petit apéro sur le pont et admirer le coucher de soleil. A l’intérieur du bateau ça sent bon la boulangerie : mon pain a tellement gonflé que je n’arrive pas à le sortir du four!
Samedi 5 mars:
Nous ne sommes pas pressés à mettre les voiles si nous voulons arriver de jour à l’île Isabela. Alors c’est grasse matinée et petit déjeuner de roi ce matin à Los Muertos. Le vent commence à bien souffler. Ça va pédaler!!
Je profite encore des deux heures de calme pour faire un cake au café et une salade de lentilles pour notre traversée.
A 10:00 nous hissons les voiles et quittons le mouillage. Nous longeons le bord de la péninsule de Baja sur une mer quasi plate. Le cap à 120 degrés du vent à une vitesse de 6-7 knots, c’est juste un régal ! Malheureusement ces conditions de rêve ne vont pas continuer. A peine a-t-on passé l’île Cousteau que plus rien ne retient les vagues. Elles deviennent alors grosses hachées, raides et désorganisées. Même le vent baisse de régime et devient irrégulier. C’est infâme!
Faire à manger me donne la nausée.. c’est Robin qui doit s’y coller à coup de demi sieste allongé pendant que je tiens la barre le reste de la journée. Barrer, se concentrer sur son cap, maintenir les voiles gonflées, esquiver les déferlantes, surfer les vagues tout ça me permet de ne pas tomber malade.
En effet après 4 mois de navigation « cruising » sur un plan d’eau plat comme un lac, nous devons reprendre nos marques, réhabituer notre estomac à supporter la houle. Trouver le sommeil dans des positions inconfortables et surtout éviter le mal de mer!
Cette petite escapade va durer deux jours et deux nuits. Un bon petit échauffement avant la traversée du Pacifique.
En début de soirée le vent baisse encore de régime et de 30 degrés d’orientation. Ce qui nous oblige à prendre un cap plein Est en direction de Mazatlan, pour être plus clair: de couper la mer de Cortez à la perpendiculaire. On installe notre régulateur d’allure « Zorro » pour qu’il prenne le relais toute la nuit et on se met au lit .. enfin en mode veille pour Robin!
Dimanche 6 mars:
Ce petit détour de 10 milles nautiques n’est pas si désagréable car depuis l’aube nous avons remis le cap au sud et nous profitons enfin du courant descendant et une navigation plein cul, les voiles en ciseaux, et dos à la vague. Comme c’est agréable ! On bouquine, on se repose, on se fait à manger. Les dauphins nous réveillent par leurs cris que nous entendons à travers la coque de Morgane. On croise un cachalot discret, quelques oiseaux migrateurs mais toujours pas d’humains.
Lundi 7 mars:
La nuit a été bonne, le vent n’a pas arrêté de souffler. Zorro a super bien barré. Il a tenu les voiles en ciseau toute la nuit avec un ris dans la grande voile et un génois 2/3 déroulé.
A 7:30 ce matin Robin remet de la toile et décide d’empanner le génois afin de reprendre un cap à 110 degrés du vent afin de ne pas manquer notre île Isabela.
Je sort du lit pour l’aider à la manœuvre cependant Zorro a déjà fait le travail.
Alors, c’est là debout sur les marches d’escalier que j’aperçois à l’arrière de Morgane une grande tige comme un piquet de ski avec un petit drapeau noir au sommet qui se dandine à l’horizon suivi par des bouées de type bouteille de Coca-Cola et bidons colorés le tout relié à une corde jaune qui flotte .. et qui s’allonge sur des mètres et des mètres!
Et merde on va droit dessus!
On a juste pas réussi à éviter la dernière bouée rouge. La ligne de pêche est coincée sous le gouvernail.
Situation d’urgence! Il faut libérer cette ligne de pêche avant que ça soit trop tard. Robin déconnecte notre pilote à vent (Zorro) et sécurise la pale immergée en l’air. Je prend la barre et dirige le bateau face au vent pour ralentir la cadence mais je m’assure de ne pas virer de bord et de ne pas faire trop claquer les voiles. Heureusement le vent n’est pas encore trop fort mais il y a de la belle grosse vague.
A l’aide de la gaffe, Robin essaye de décoincer la corde .. mais impossible à la libérer. Au même moment une panga avec trois pêcheurs habillé en jaune fluo à bord surgit de nulle part et s’approche de nous.
On s ‘excuse pour l’incident et montrons que nous faisons tout notre possible pour nous libérer du filet de pêche sans encombre.
Robin me dit que la seule solution c’est de sauter à l’eau. A la recherche de son masque qu’il ne trouve pas, les trois Dalton s’excitent.. et nous crient des mots qu’on ne comprend pas. Enfin si je comprend qu’il y a une autre bouée juste là devant et qu’il faut que je m’en écarte pour ne pas avoir un deuxième filet coincé sous Morgane!
Ni une ni deux Robin saute à l’eau à poil sous le regard amusé des trois pêcheurs.
En quelques secondes il réussit à décoincer la corde du filet de pêche du gouvernail. Youpiii! Tout est réglé sans dégâts!
Les pêcheurs repartent contents et nous indiquent où se situe les autres filets. On leur lance encore nos plus amples excuses et reprenons notre cap au sud-ouest en observant attentivement si d’autres lignes de pêche nous barrent la route pour ensuite se diriger plein Est afin de ne pas manquer notre fameuse île tout de même!
Franchement on est encore bien étonné de voir ces pêcheurs à bord de leur embarcation rudimentaire venir jusqu’ici tirer leurs filets de pêche. Nous sommes à 20 miles nautiques à l’ouest de l’île Isabela et à plus de 30 milles nautiques du littoral. Ils sont courageux ces mexicains!
Heureusement qu’on pas chopé cette ligne de pêche en pleine nuit! De toute façon on ne l’aurait pas vue!
Après cette petite excitation du matin Robin en profite pour faire une inspection du tangon à l’avant du bateau et ramasse au passage 8 petits calamars échoués sur le pont! Ça tombe bien je me demandais ce que je pouvais cuisiner pour le petit déjeuner.
9:30 terre en vue droit devant!! Les contours de l’île Isabela se dessinent peu à peu dans la brume! Encore 2,5 heures de navigation et je pourrai moi aussi plonger dans cette mer à 25 degrés Celsius !!
Et nous voici à faire un grand détour juste à quelques milles de l’île. Cette fois Robin l’a évité de justesse ce filet de pêche sans fin.. on le longe en espérant trouver la sortie ou l’entrée! Ça nous rappelle quand nous étions dans le grand nord quand nous longions de près le pac de glace dans le brouillard pour trouver la brèche et s’y faufiler!
7 kilomètres de ligne!! Ça devrait être interdit de tirer des filets de pêche si longs!
Bon, il y en a marre de longer la ligne, on coupe à travers. A mon tour de me jeter à l’eau.
Il est 13h nous mouillons l’ancre dans 8m de fond où une grosse tache blanche nous indique que c’est du sable. Droit devant le minuscule village de pêcheurs.
Ça y est on est arrivé à cette Île isabela!
Son mouillage au sud n’est pas grand mais bien abrité du vent et de la vague. Il y a des milliers d’oiseaux qui nous survolent. Comme c’est calme!
Dans le guide je lis que L’île Isabela regroupe une immense colonie de frégate et de Fous de Bassan. Depuis 1980 cette île est classée réserve nationale. Des volontaires de l’université de Guadalajara viennent chaque année étudier et protéger les nids des frégates et des Fous à pieds bleus.
A notre tour d’aller à terre..
Quel spectacle! On n'en espérait pas tant! Mais comme on a bien fait de s’y arrêter!!
On aime galérer pour ce genre de récompense qui nous laisse sans voix.
Imaginez vous vous promener à 1 mètre de milliers de frégates en pleine nidification perchées dans des petits arbustes à taille humaine. Ou mieux encore observer la dance nuptiale de Fous à pieds bleus ou encore leur progéniture au pelage tout blanc qui sort leur petite tête du duvet d’un des parents.
Après plusieurs heures d’observation, de tournage et de photos on arrive toujours pas à reconnaître le mâle et la femelle Fous de Bassan. Les Fous nichent à terre sur le bord de la plage ou sur les hauteurs de la falaise du côté Est de l’île. Leurs atterrissages ainsi que leurs décollages sont très acrobatiques. Ils se relaient à la nichée de leurs œufs et discutent pas mal. On pense que celui qui a la queue en l’air doit être le mâle.
Cette île volcanique est le paradis pour ces oiseaux marins.
Au dessus de Morgane vole un groupe de 4 paille-en-queue qui n’arrêtent pas de jacasser. Ils ont leur nids dans la falaise du rocher qui surplombe le mouillage.
Ce même rocher regroupe toute une famille de mouettes au bec rouge et pelage gris blanc. Elles occupent la partie basse du rocher au raz de l’eau ou la plage devant les cabanes des pêcheurs. Ce sont les plus belles avec leur eye-liner rouge autour de leurs yeux !
En marchant de l’autre coté du cratère, on a remarqué une autre espèce de Fous, ceux-ci ont les pieds jaunes. Ils nichent aussi à terre en couple mais ils sont moins nombreux que les pieds bleus. La femelle a le pelage brun foncé alors que celui du mâle est plutôt blanc bleu et jaune.
De retour sur la plage, un petit groupe de pêcheurs est en train de garnir de bouts de poissons leurs énormes nasses à langouste. Le plus âgé nous explique qu’ils font partie de l’association coopérative des pêcheurs qui leur permet l’obtention de permis délivré par le gouvernement pour pêcher la langouste de façon respectueuse de l’environnement.
En effet, la pêche à la langouste devient de plus en plus difficile ! Il y en a de moins en moins. La semaine passée ils n’ont péché que 20kg de langouste.
Tu m’étonnes ! Avec ses immenses nasses qui peuvent contenir au moins une cinquantaine de langoustes ils ont tout raflé.. de même pour les pêcheurs qui posent des filets de pêche mesurant plus de 3 milles nautiques tout autour de l’île. Bientôt il n'y aura plus de poisson non plus. Mais ne les blâmons pas ils n’ont rien d’autre pour nourrir leur famille.
Mais le message a été clair: on n’a pas intérêt à pêcher une langouste!
Mardi 8 mars:
On a dormi 11h non stop! Franchement pour un mouillage rouleur c’était plutôt calme et plat. A moins qu’on soit encore en mode navigation ou tellement raide de fatigue que rien ne nous dérange quand on sait que notre ancre est bien mouillée et qu’on ne dérape pas d’un centimètre!
Ce matin, c’est atelier couture sur Morgane. On se relaie à coup de 2 mètres pour recoudre toute la bande anti UV de notre Génois avec notre poinçon. Ça donne des crampes à la nuque!
Une petite pause snorkelling s’impose l’après-midi. Dommage que la visibilité soit un peu floue car c’est un vrai aquarium là dessous! Des raies aigles au banc d’énormes carengues avec au passage des poissons perroquets multicolores énormes et des petits noirs avec leur paillettes bleues bref c’est fabuleux. Il y a tellement de poissons que ça donne presque le tournis! Ça ne m’étonnerait pas de me retrouver nez à nez avec un requin-marteau .. enfin je ne le souhaite quand même pas! En plus c’est agréable car l’eau est chaude .. je transpire dans ma combi!
Un petit voilier nous a rejoint au mouillage. Sa coque rouge nous dit vaguement quelque chose.. Ah oui c’est Nico de la Paz. Un français des Vosges qui navigue sur un 30 pieds nommé Réflexion n 1 depuis Vancouver. Il est parti de Mazatlan la veille quand il a su qu’on était dans les parages.
On se retrouve sur la plage pour aller prendre l’apéro au sommet du cratère entouré de frégates et de fous face à un magnifique soleil couchant. Franchement c’est le paradis cette île!
Du coup, on va rester un jour de plus.
Mercredi 9 mars :
La nuit a été un peu rouleuse et j’ai l’impression d’avoir entendu l’aller et le retour des pêcheurs toute la nuit. Du coup je suis debout à l’aube.
Robin lui dort toujours à force d’essayer de pêcher au milieu de la nuit depuis Morgane ça l’a mis K. O!
Je m’attaque au dernier mètre de couture sur le génois et nous pouvons le remettre en place avant 10h! Pendant ce temps là Robin est reparti pêcher avec l’annexe cette fois-ci au pied de la falaise. Il me ramène une belle carengue qu’il a attrapé au bouchon!
Il y a moins de vagues et de vent aujourd’hui du coup on profite de la meilleure visibilité de l’eau pour aller faire du snorkeling et pêcher au harpon. Ici il y a vraiment du gros calibre ça fait presque peur!! Robin tire une autre carengue après avoir raté un immense pargo!
C’est pas plus mal de se lever aux aurores car on a même le temps de faire une sieste avant d’entamer l’autre moitié de la journée pour aller visiter le reste de l’île.
Cette fois on y va chaussés en bottes Xtuf au cas où un de leurs serpents venimeux nous confonde avec un petit oiseau!
Du cratère au nord de l’île une ambiance de Jurassic parc nous accompagne tout au long du sentier. Entre les cris des frégates qui ressemblent à ceux des velociraptor et qui nous regardent passer du coin de l’œil perchées sur leur nid au dessus de nos têtes et les bruits de lézards ou autres reptiles qui fuient dans les hautes herbes à chacun de nos pas, nous avons les poils du dos hérissés.
De l’autre côté de l’île, une superbe plage de sable blanc fait face à deux pitons rocheux nommés les deux mannequins. Le décor est grandiose.
Nous rencontrons un mexicain et sa petite équipe de volontaires en train de baguer un bébé fou à pieds bleus.
On en profite pour lui poser quelques questions ornithologiques.
En résumé: à la sortie de l’œuf au mois de mars- avril, le fou à pieds bleus quitte le nid après 42 jours, s’étourdit en mer jusqu’à ses 3 ans puis se met en couple, féconde 1 jusqu’à trois œufs à la fois, divorce après 7 ans et vit jusqu’à 25 ans.
Nous voilà mieux cultivés qu’à l’arrivée. Allons voir ce qu’il se passe du côté des îles Marias.
Jeudi 10 mars:
Cap au sud-ouest. Nous filons sous voiles à 5 noeuds de moyenne par vent de travers. Conditions pas si mauvaises pour une journée soit disant sans vent!
On teste notre pilote à vent Zorro dans différentes allures. Robin assure des points de friction sur la bôme .. on note sur la check liste ce qu’il faut modifier ou faire avant le grand départ pour la traversée du Pacifique.
On évite une baleine en pleine décomposition. Ça fait mal au cœur.
On croise la route d’un gros bateau militaire qui nous tient en haleine pendant une dizaine de milles. Car nous savons que nous n’avons pas vraiment le droit d’aller naviguer et surtout pas mouiller l’ancre autour de ces îles. Enfin ce n’est pas marqué « Interdit de naviguer ».
C’est écrit : « Zone de restriction » IT IS DECLARED A NATURAL PROTECTED AREA, WITH CHARACTER OF BIOSPHERE RESERVE, THE ARCHIPELAGO ISLAS MARIAS. ACCORDING TO THE OFFFICIAL JOURNAL OF THE FEDERATION ON NOVEMBER 27TH, 2000.
Les îles Marias étaient une prison pour les délinquants pas trop méchants.
Depuis 2019 ils ont cessé cette activité. A la place, le gouvernement voulait organiser des visites journalières touristiques payantes.
Covid a malheureusement retardé le programme. Ils comptent mettre en place cette nouvelle activité touristique cet été en pleine saison cyclonique! Et ça s’intitulera « embarquement en enfer! »
Bref on s’est dit que personne ne dirait rien. Ils y verraient même que du feu enfin de l’eau si nous ne passions qu’une petite nuit à l’ancre au sud-est de l’île Maria Cleofas. Histoire de nous éviter de faire une longue route de 70 milles non stop sans vent pour arriver à notre destination finale : Bahia Banderas!
Cependant l’approche de l’île Maria Cleofas est un peu tendue car les cartes navionics/ océanographiques ne sont pas à jour puisque aucun bateau n’est censé s’arrêter par ici. Alors on se prend pour deux explorateurs à bord de notre caravelle! Avec la longue vue on guette le moindre ressac. A la barre on a les yeux rivés sur le sondeur puis à l’avant de la proue pour déclarer aucun caillou en vue! Seulement une horde de dauphins assez foncés tachetés de gris nous escorte quelques mètres comme pour nous montrer le chemin! On affale les voiles et mettons le moteur en marche. On avance lentement pour éviter de taper trop fort .. et ça passe de 6m80, 6m40, 5m .. Attention le fond remonte! Et puis de nouveau 6m70.
« Ok on mouille là! »
« Point mort! »
Robin laisse l’ancre partir au fond de cette petite baie sans nom bien abritée à l’est de l’île. Aux jumelles j’inspecte les environs et j’aperçois stupéfaite un gars qui sort des buissons il est habillé avec un pantalon et un t-shirt rouge . Il se promène sur la plage et ramasse des coquillages. Il est apparemment seul.. Peut être que c’est un ancien prisonnier qu’ils ont oublié de rapatrier? Ou un cannibale qui crève de faim? Il nous regarde un moment. Puis repart en suivant un chemin dans la broussaille.
Bref on décide de rester à bord de Morgane c’est plus sûr!
Depuis le mouillage on ressent un bon swell qui vient du sud. L’espace entre les vagues est de 14 secondes donc pas du tout gênant pour rester au mouillage. Néanmoins le long de la côte une belle vague déroule sur le récif. Ça me démange de sortir ma planche de surf et d’aller la rider. Mais le spot est loin. C’est du reef break et j’ai pas la condition physique pour en profiter pleinement! Mais ça ne m’étonnerait pas que cette île devienne un camp de surf dans le futur! Ça déroule de partout.
On profite d’un dernier brossage de dents sous un ciel superbement étoilé sans pollution lumineuse et on enclenche une alarme de mouillage au cas où le vent décide de changer de direction.
Vendredi 11 mars:
Au lever du soleil Robin décolle le drone depuis Morgane pour capturer quelques magnifiques images de cette île presque sauvage!
L’habitant au t-shirt rouge est de nouveau sur la plage. On se demande si il nous aurait offert le café ou mangé tout cru. En tout cas il ne nous donnait pas de signe évocateur. Cela restera donc une énigme.
Il est 7:00 on démarre le moteur et entamons notre dernière traversée de 50mn pour rejoindre ce soir Punta Mita à l’entrée de la baie de Banderas.
Retour à la civilisation, la connection internet et à l’eau potable!
Les premiers rayons de soleil ont atteint le cockpit de Morgane. Le ronronnement des camions se fait entendre. Les chiens du restaurant Bellavista aboient à tue tête. Morgane se dandine au passage des pangas qui sont en route pour aller pêcher du poisson ou emmener les premiers touristes nager avec les lions de mer.
Allez hop ! Il est temps de sortir du lit et d’aller faire le café!
Il fait bon dans le bateau même un peu trop chaud sur le pont pour 7h30 du matin. Enfin 25 degrés Celsius c’est la température idéale pour faire lever mon levain!
La veille nous avons déposé notre ami Jon de l’Alaska à la Paz et bu 2 margaritas à notre petit restaurant préféré.
Complètement pompettes, nous sommes allés faire les courses au marché, le sourire scotché aux lèvres, l’espagnol coulait de source! Comme c’était drôle!
Ce mois de février, on est parti explorer un bout du nord de la mer de Cortez. Nous sommes montés jusqu’à San Juanico. Puis nous sommes redescendus en passant prendre notre ami Jon à Loreto pour retourner ensemble tranquillement à la Paz. 15 jours à découvrir des nouveaux endroits, mouiller dans des petites baies remplies de pélicans et de Fous de Bassan, pêcher du crabe, du poulpe et des poissons au harpon. Le plus incroyable a été notre navigation depuis Los Gatos en direction de l’île de San Jose au nord du chenal où l'on s’est retrouvés à tirer des bords au milieu de plus de mille dauphins. C’était vraiment spectaculaire.
Cette escapade, tous les messages réconfortants de ma famille et des amis et dame nature qui nous offre chaque jours des surprises étonnantes m’a permis de passer ma déprime et retrouver le sourire!
Le soleil brille à nouveau de tous ses feux au dessus de Morgane.
Il est 8:30 Robin remonte l’ancre tranquillement pendant que je m’assure que tout est calé à l’intérieur du bateau. Même si pour aujourd’hui la mer est d’huile!
Hasta luego Playa Pichilingue!
Un dernier clin d’œil à cette jolie baie idéalement située au nord de la Paz, reliée par les transports « collectivo » et surtout très bien protégée de tous les vents et de la vague! C’était devenu notre quartier général pendant ces 4 derniers mois.
4 mois déjà! Le temps passe vite !
Malheureusement on a pas eu le temps de tout visiter, tout voir et tout faire. Même si je pense qu’on a vu le plus beau que la mer de Cortez pouvait nous offrir à cette période-là!
Et puis c’est bien de pas tout voir du premier coup car ça nous permet de rêver à notre prochaine visite. La baleine bleue, ça sera pour la prochaine fois!
Nager avec des requins baleines. Danser avec des phoques. S’extasier devant le spectacle d’une baleine à bosse en pleine euphorie au dessus de l’eau.
Pratiquer notre passion du kitesurf dans une eau turquoise et sans personne. Mouiller l’ancre dans des baies paradisiaques. Marcher au sommet des montagnes pour avoir une meilleure prise de vue. Grimper dans les canyons aux roches rouges, se faufiler entre les cactus tout en évitant de marcher sur les trous de migales géantes. S’approcher au plus près très discrètement des fous à pieds bleus.
Pêcher au harpon notre repas du soir. Admirer un nuage de krill. Visiter la mission de San Javier. Manger des fish tacos et boire une margarita les pieds dans le sable. Savourer chaque coucher de soleil sur la Sierra Giganta. Retrouver des amis d’Alaska sur la place de Loreto. Troquer des piles AA contre un énorme mahi-mahi avec les pêcheurs locaux. Faire les courses au marché local de la Paz. Pratiquer notre espagnol avec les mexicains. Inviter du monde à bord de Morgane. Naviguer sous Spi sur une mer plate. Faire du skate le long du joli malecon de la Paz. Tirer des bords au milieu de milliers de dauphins. Chopper le Covid et prier pour qu’il pleuve. Bref on ne s’est pas ennuyé dans la mer de Cortez.
Aujourd’hui cap au sud!
Le vent du Nord est encore bien timide ce matin. C’est pas plus mal d’être au moteur pour passer sans encombre le canal Bajo San Lorenzo situé entre L’île d’Esperitus Santo et la pointe nord de la péninsule de la Paz. Car avec les 3 noeuds de courant contraire au vent ça peut chahuter un peu!
Au programme de la journée; parcourir 40 milles nautiques pour rejoindre la baie de Los Muertos située au sud de la Ventana et profiter d’un dernier dodo au calme avant la traversée de la mer de Cortez.
Nous croisons beaucoup de tortues, des dauphins mais toujours pas de mahi-mahi ou de yellow fin au bout de la ligne de pêche que nous traînons derrière Morgane.
Nous faisons un petit détour pour ramasser un déchet flottant. Car en tant que bon bateau belge nous nous devons de ramasser cette frite en mousse (ustensile de baignade bien utile).
Décidément le vent du Nord ne se lève pas. Nous avançons le reste de la journée au moteur sur une mer d’huile. Au sud de l’île de Cousteau, on essaie de capturer les sauts périlleux improbables des raies mobula.. décidément impossible à photographier en l’air. On peut tout juste immortaliser le bout de leurs ailes hors de l’eau. Elles sont en mode bronzette! Comme les tortues elles sont des centaines ou des milliers à profiter de la richesse de la mer Cortez où le plancton prolifère à merveille.
Nous rejoignons 4 autres bateaux mouillés dans la baie de Los Muertos et profitons d’une soirée chaude sans vent pour prendre un petit apéro sur le pont et admirer le coucher de soleil. A l’intérieur du bateau ça sent bon la boulangerie : mon pain a tellement gonflé que je n’arrive pas à le sortir du four!
Samedi 5 mars:
Nous ne sommes pas pressés à mettre les voiles si nous voulons arriver de jour à l’île Isabela. Alors c’est grasse matinée et petit déjeuner de roi ce matin à Los Muertos. Le vent commence à bien souffler. Ça va pédaler!!
Je profite encore des deux heures de calme pour faire un cake au café et une salade de lentilles pour notre traversée.
A 10:00 nous hissons les voiles et quittons le mouillage. Nous longeons le bord de la péninsule de Baja sur une mer quasi plate. Le cap à 120 degrés du vent à une vitesse de 6-7 knots, c’est juste un régal ! Malheureusement ces conditions de rêve ne vont pas continuer. A peine a-t-on passé l’île Cousteau que plus rien ne retient les vagues. Elles deviennent alors grosses hachées, raides et désorganisées. Même le vent baisse de régime et devient irrégulier. C’est infâme!
Faire à manger me donne la nausée.. c’est Robin qui doit s’y coller à coup de demi sieste allongé pendant que je tiens la barre le reste de la journée. Barrer, se concentrer sur son cap, maintenir les voiles gonflées, esquiver les déferlantes, surfer les vagues tout ça me permet de ne pas tomber malade.
En effet après 4 mois de navigation « cruising » sur un plan d’eau plat comme un lac, nous devons reprendre nos marques, réhabituer notre estomac à supporter la houle. Trouver le sommeil dans des positions inconfortables et surtout éviter le mal de mer!
Cette petite escapade va durer deux jours et deux nuits. Un bon petit échauffement avant la traversée du Pacifique.
En début de soirée le vent baisse encore de régime et de 30 degrés d’orientation. Ce qui nous oblige à prendre un cap plein Est en direction de Mazatlan, pour être plus clair: de couper la mer de Cortez à la perpendiculaire. On installe notre régulateur d’allure « Zorro » pour qu’il prenne le relais toute la nuit et on se met au lit .. enfin en mode veille pour Robin!
Dimanche 6 mars:
Ce petit détour de 10 milles nautiques n’est pas si désagréable car depuis l’aube nous avons remis le cap au sud et nous profitons enfin du courant descendant et une navigation plein cul, les voiles en ciseaux, et dos à la vague. Comme c’est agréable ! On bouquine, on se repose, on se fait à manger. Les dauphins nous réveillent par leurs cris que nous entendons à travers la coque de Morgane. On croise un cachalot discret, quelques oiseaux migrateurs mais toujours pas d’humains.
Lundi 7 mars:
La nuit a été bonne, le vent n’a pas arrêté de souffler. Zorro a super bien barré. Il a tenu les voiles en ciseau toute la nuit avec un ris dans la grande voile et un génois 2/3 déroulé.
A 7:30 ce matin Robin remet de la toile et décide d’empanner le génois afin de reprendre un cap à 110 degrés du vent afin de ne pas manquer notre île Isabela.
Je sort du lit pour l’aider à la manœuvre cependant Zorro a déjà fait le travail.
Alors, c’est là debout sur les marches d’escalier que j’aperçois à l’arrière de Morgane une grande tige comme un piquet de ski avec un petit drapeau noir au sommet qui se dandine à l’horizon suivi par des bouées de type bouteille de Coca-Cola et bidons colorés le tout relié à une corde jaune qui flotte .. et qui s’allonge sur des mètres et des mètres!
Et merde on va droit dessus!
On a juste pas réussi à éviter la dernière bouée rouge. La ligne de pêche est coincée sous le gouvernail.
Situation d’urgence! Il faut libérer cette ligne de pêche avant que ça soit trop tard. Robin déconnecte notre pilote à vent (Zorro) et sécurise la pale immergée en l’air. Je prend la barre et dirige le bateau face au vent pour ralentir la cadence mais je m’assure de ne pas virer de bord et de ne pas faire trop claquer les voiles. Heureusement le vent n’est pas encore trop fort mais il y a de la belle grosse vague.
A l’aide de la gaffe, Robin essaye de décoincer la corde .. mais impossible à la libérer. Au même moment une panga avec trois pêcheurs habillé en jaune fluo à bord surgit de nulle part et s’approche de nous.
On s ‘excuse pour l’incident et montrons que nous faisons tout notre possible pour nous libérer du filet de pêche sans encombre.
Robin me dit que la seule solution c’est de sauter à l’eau. A la recherche de son masque qu’il ne trouve pas, les trois Dalton s’excitent.. et nous crient des mots qu’on ne comprend pas. Enfin si je comprend qu’il y a une autre bouée juste là devant et qu’il faut que je m’en écarte pour ne pas avoir un deuxième filet coincé sous Morgane!
Ni une ni deux Robin saute à l’eau à poil sous le regard amusé des trois pêcheurs.
En quelques secondes il réussit à décoincer la corde du filet de pêche du gouvernail. Youpiii! Tout est réglé sans dégâts!
Les pêcheurs repartent contents et nous indiquent où se situe les autres filets. On leur lance encore nos plus amples excuses et reprenons notre cap au sud-ouest en observant attentivement si d’autres lignes de pêche nous barrent la route pour ensuite se diriger plein Est afin de ne pas manquer notre fameuse île tout de même!
Franchement on est encore bien étonné de voir ces pêcheurs à bord de leur embarcation rudimentaire venir jusqu’ici tirer leurs filets de pêche. Nous sommes à 20 miles nautiques à l’ouest de l’île Isabela et à plus de 30 milles nautiques du littoral. Ils sont courageux ces mexicains!
Heureusement qu’on pas chopé cette ligne de pêche en pleine nuit! De toute façon on ne l’aurait pas vue!
Après cette petite excitation du matin Robin en profite pour faire une inspection du tangon à l’avant du bateau et ramasse au passage 8 petits calamars échoués sur le pont! Ça tombe bien je me demandais ce que je pouvais cuisiner pour le petit déjeuner.
9:30 terre en vue droit devant!! Les contours de l’île Isabela se dessinent peu à peu dans la brume! Encore 2,5 heures de navigation et je pourrai moi aussi plonger dans cette mer à 25 degrés Celsius !!
Et nous voici à faire un grand détour juste à quelques milles de l’île. Cette fois Robin l’a évité de justesse ce filet de pêche sans fin.. on le longe en espérant trouver la sortie ou l’entrée! Ça nous rappelle quand nous étions dans le grand nord quand nous longions de près le pac de glace dans le brouillard pour trouver la brèche et s’y faufiler!
7 kilomètres de ligne!! Ça devrait être interdit de tirer des filets de pêche si longs!
Bon, il y en a marre de longer la ligne, on coupe à travers. A mon tour de me jeter à l’eau.
Il est 13h nous mouillons l’ancre dans 8m de fond où une grosse tache blanche nous indique que c’est du sable. Droit devant le minuscule village de pêcheurs.
Ça y est on est arrivé à cette Île isabela!
Son mouillage au sud n’est pas grand mais bien abrité du vent et de la vague. Il y a des milliers d’oiseaux qui nous survolent. Comme c’est calme!
Dans le guide je lis que L’île Isabela regroupe une immense colonie de frégate et de Fous de Bassan. Depuis 1980 cette île est classée réserve nationale. Des volontaires de l’université de Guadalajara viennent chaque année étudier et protéger les nids des frégates et des Fous à pieds bleus.
A notre tour d’aller à terre..
Quel spectacle! On n'en espérait pas tant! Mais comme on a bien fait de s’y arrêter!!
On aime galérer pour ce genre de récompense qui nous laisse sans voix.
Imaginez vous vous promener à 1 mètre de milliers de frégates en pleine nidification perchées dans des petits arbustes à taille humaine. Ou mieux encore observer la dance nuptiale de Fous à pieds bleus ou encore leur progéniture au pelage tout blanc qui sort leur petite tête du duvet d’un des parents.
Après plusieurs heures d’observation, de tournage et de photos on arrive toujours pas à reconnaître le mâle et la femelle Fous de Bassan. Les Fous nichent à terre sur le bord de la plage ou sur les hauteurs de la falaise du côté Est de l’île. Leurs atterrissages ainsi que leurs décollages sont très acrobatiques. Ils se relaient à la nichée de leurs œufs et discutent pas mal. On pense que celui qui a la queue en l’air doit être le mâle.
Cette île volcanique est le paradis pour ces oiseaux marins.
Au dessus de Morgane vole un groupe de 4 paille-en-queue qui n’arrêtent pas de jacasser. Ils ont leur nids dans la falaise du rocher qui surplombe le mouillage.
Ce même rocher regroupe toute une famille de mouettes au bec rouge et pelage gris blanc. Elles occupent la partie basse du rocher au raz de l’eau ou la plage devant les cabanes des pêcheurs. Ce sont les plus belles avec leur eye-liner rouge autour de leurs yeux !
En marchant de l’autre coté du cratère, on a remarqué une autre espèce de Fous, ceux-ci ont les pieds jaunes. Ils nichent aussi à terre en couple mais ils sont moins nombreux que les pieds bleus. La femelle a le pelage brun foncé alors que celui du mâle est plutôt blanc bleu et jaune.
De retour sur la plage, un petit groupe de pêcheurs est en train de garnir de bouts de poissons leurs énormes nasses à langouste. Le plus âgé nous explique qu’ils font partie de l’association coopérative des pêcheurs qui leur permet l’obtention de permis délivré par le gouvernement pour pêcher la langouste de façon respectueuse de l’environnement.
En effet, la pêche à la langouste devient de plus en plus difficile ! Il y en a de moins en moins. La semaine passée ils n’ont péché que 20kg de langouste.
Tu m’étonnes ! Avec ses immenses nasses qui peuvent contenir au moins une cinquantaine de langoustes ils ont tout raflé.. de même pour les pêcheurs qui posent des filets de pêche mesurant plus de 3 milles nautiques tout autour de l’île. Bientôt il n'y aura plus de poisson non plus. Mais ne les blâmons pas ils n’ont rien d’autre pour nourrir leur famille.
Mais le message a été clair: on n’a pas intérêt à pêcher une langouste!
Mardi 8 mars:
On a dormi 11h non stop! Franchement pour un mouillage rouleur c’était plutôt calme et plat. A moins qu’on soit encore en mode navigation ou tellement raide de fatigue que rien ne nous dérange quand on sait que notre ancre est bien mouillée et qu’on ne dérape pas d’un centimètre!
Ce matin, c’est atelier couture sur Morgane. On se relaie à coup de 2 mètres pour recoudre toute la bande anti UV de notre Génois avec notre poinçon. Ça donne des crampes à la nuque!
Une petite pause snorkelling s’impose l’après-midi. Dommage que la visibilité soit un peu floue car c’est un vrai aquarium là dessous! Des raies aigles au banc d’énormes carengues avec au passage des poissons perroquets multicolores énormes et des petits noirs avec leur paillettes bleues bref c’est fabuleux. Il y a tellement de poissons que ça donne presque le tournis! Ça ne m’étonnerait pas de me retrouver nez à nez avec un requin-marteau .. enfin je ne le souhaite quand même pas! En plus c’est agréable car l’eau est chaude .. je transpire dans ma combi!
Un petit voilier nous a rejoint au mouillage. Sa coque rouge nous dit vaguement quelque chose.. Ah oui c’est Nico de la Paz. Un français des Vosges qui navigue sur un 30 pieds nommé Réflexion n 1 depuis Vancouver. Il est parti de Mazatlan la veille quand il a su qu’on était dans les parages.
On se retrouve sur la plage pour aller prendre l’apéro au sommet du cratère entouré de frégates et de fous face à un magnifique soleil couchant. Franchement c’est le paradis cette île!
Du coup, on va rester un jour de plus.
Mercredi 9 mars :
La nuit a été un peu rouleuse et j’ai l’impression d’avoir entendu l’aller et le retour des pêcheurs toute la nuit. Du coup je suis debout à l’aube.
Robin lui dort toujours à force d’essayer de pêcher au milieu de la nuit depuis Morgane ça l’a mis K. O!
Je m’attaque au dernier mètre de couture sur le génois et nous pouvons le remettre en place avant 10h! Pendant ce temps là Robin est reparti pêcher avec l’annexe cette fois-ci au pied de la falaise. Il me ramène une belle carengue qu’il a attrapé au bouchon!
Il y a moins de vagues et de vent aujourd’hui du coup on profite de la meilleure visibilité de l’eau pour aller faire du snorkeling et pêcher au harpon. Ici il y a vraiment du gros calibre ça fait presque peur!! Robin tire une autre carengue après avoir raté un immense pargo!
C’est pas plus mal de se lever aux aurores car on a même le temps de faire une sieste avant d’entamer l’autre moitié de la journée pour aller visiter le reste de l’île.
Cette fois on y va chaussés en bottes Xtuf au cas où un de leurs serpents venimeux nous confonde avec un petit oiseau!
Du cratère au nord de l’île une ambiance de Jurassic parc nous accompagne tout au long du sentier. Entre les cris des frégates qui ressemblent à ceux des velociraptor et qui nous regardent passer du coin de l’œil perchées sur leur nid au dessus de nos têtes et les bruits de lézards ou autres reptiles qui fuient dans les hautes herbes à chacun de nos pas, nous avons les poils du dos hérissés.
De l’autre côté de l’île, une superbe plage de sable blanc fait face à deux pitons rocheux nommés les deux mannequins. Le décor est grandiose.
Nous rencontrons un mexicain et sa petite équipe de volontaires en train de baguer un bébé fou à pieds bleus.
On en profite pour lui poser quelques questions ornithologiques.
En résumé: à la sortie de l’œuf au mois de mars- avril, le fou à pieds bleus quitte le nid après 42 jours, s’étourdit en mer jusqu’à ses 3 ans puis se met en couple, féconde 1 jusqu’à trois œufs à la fois, divorce après 7 ans et vit jusqu’à 25 ans.
Nous voilà mieux cultivés qu’à l’arrivée. Allons voir ce qu’il se passe du côté des îles Marias.
Jeudi 10 mars:
Cap au sud-ouest. Nous filons sous voiles à 5 noeuds de moyenne par vent de travers. Conditions pas si mauvaises pour une journée soit disant sans vent!
On teste notre pilote à vent Zorro dans différentes allures. Robin assure des points de friction sur la bôme .. on note sur la check liste ce qu’il faut modifier ou faire avant le grand départ pour la traversée du Pacifique.
On évite une baleine en pleine décomposition. Ça fait mal au cœur.
On croise la route d’un gros bateau militaire qui nous tient en haleine pendant une dizaine de milles. Car nous savons que nous n’avons pas vraiment le droit d’aller naviguer et surtout pas mouiller l’ancre autour de ces îles. Enfin ce n’est pas marqué « Interdit de naviguer ».
C’est écrit : « Zone de restriction » IT IS DECLARED A NATURAL PROTECTED AREA, WITH CHARACTER OF BIOSPHERE RESERVE, THE ARCHIPELAGO ISLAS MARIAS. ACCORDING TO THE OFFFICIAL JOURNAL OF THE FEDERATION ON NOVEMBER 27TH, 2000.
Les îles Marias étaient une prison pour les délinquants pas trop méchants.
Depuis 2019 ils ont cessé cette activité. A la place, le gouvernement voulait organiser des visites journalières touristiques payantes.
Covid a malheureusement retardé le programme. Ils comptent mettre en place cette nouvelle activité touristique cet été en pleine saison cyclonique! Et ça s’intitulera « embarquement en enfer! »
Bref on s’est dit que personne ne dirait rien. Ils y verraient même que du feu enfin de l’eau si nous ne passions qu’une petite nuit à l’ancre au sud-est de l’île Maria Cleofas. Histoire de nous éviter de faire une longue route de 70 milles non stop sans vent pour arriver à notre destination finale : Bahia Banderas!
Cependant l’approche de l’île Maria Cleofas est un peu tendue car les cartes navionics/ océanographiques ne sont pas à jour puisque aucun bateau n’est censé s’arrêter par ici. Alors on se prend pour deux explorateurs à bord de notre caravelle! Avec la longue vue on guette le moindre ressac. A la barre on a les yeux rivés sur le sondeur puis à l’avant de la proue pour déclarer aucun caillou en vue! Seulement une horde de dauphins assez foncés tachetés de gris nous escorte quelques mètres comme pour nous montrer le chemin! On affale les voiles et mettons le moteur en marche. On avance lentement pour éviter de taper trop fort .. et ça passe de 6m80, 6m40, 5m .. Attention le fond remonte! Et puis de nouveau 6m70.
« Ok on mouille là! »
« Point mort! »
Robin laisse l’ancre partir au fond de cette petite baie sans nom bien abritée à l’est de l’île. Aux jumelles j’inspecte les environs et j’aperçois stupéfaite un gars qui sort des buissons il est habillé avec un pantalon et un t-shirt rouge . Il se promène sur la plage et ramasse des coquillages. Il est apparemment seul.. Peut être que c’est un ancien prisonnier qu’ils ont oublié de rapatrier? Ou un cannibale qui crève de faim? Il nous regarde un moment. Puis repart en suivant un chemin dans la broussaille.
Bref on décide de rester à bord de Morgane c’est plus sûr!
Depuis le mouillage on ressent un bon swell qui vient du sud. L’espace entre les vagues est de 14 secondes donc pas du tout gênant pour rester au mouillage. Néanmoins le long de la côte une belle vague déroule sur le récif. Ça me démange de sortir ma planche de surf et d’aller la rider. Mais le spot est loin. C’est du reef break et j’ai pas la condition physique pour en profiter pleinement! Mais ça ne m’étonnerait pas que cette île devienne un camp de surf dans le futur! Ça déroule de partout.
On profite d’un dernier brossage de dents sous un ciel superbement étoilé sans pollution lumineuse et on enclenche une alarme de mouillage au cas où le vent décide de changer de direction.
Vendredi 11 mars:
Au lever du soleil Robin décolle le drone depuis Morgane pour capturer quelques magnifiques images de cette île presque sauvage!
L’habitant au t-shirt rouge est de nouveau sur la plage. On se demande si il nous aurait offert le café ou mangé tout cru. En tout cas il ne nous donnait pas de signe évocateur. Cela restera donc une énigme.
Il est 7:00 on démarre le moteur et entamons notre dernière traversée de 50mn pour rejoindre ce soir Punta Mita à l’entrée de la baie de Banderas.
Retour à la civilisation, la connection internet et à l’eau potable!