Les Marquises, premières impressions
NUKU HIVA
mardi 3 mai 2022:
Il est 5:40, le jour se lève, la nuit a été courte et rouleuse.
Je me dresse sur le lit et passe ma tête à travers le hublot à l’avant du bateau comme un suricate qui se dresse sur ses deux pattes arrière pour voir ce qui se passe au loin…
et là devant mes yeux encore tout endormis se dresse un cirque montagneux abrupt recouvert de vert. Il y a du vert partout. Comme c’est spectaculaire et splendide!
Un sentiment de magie et de tendresse nous enveloppe d’un seul coup. Comme si les dieux du coin nous serraient très fort dans leurs bras pour nous souhaiter la Bienvenue au paradis et d’un geste réconfortant nous disent: vas-y, relâche-toi, laisse-toi aller, tu peux pleurer, rire ou crier de joie, tu es arrivée à bon port. Tu es en sécurité maintenant, tu vas pouvoir te reposer dans ce havre de paix!
On se fait des pancakes et du café pour notre premier petit déjeuner à l’ancre!
Au même moment je reçoit un message de bienvenue de Nico, notre pote français rencontré à la Paz qui est arrivé aux Marquises il y a dix jours.Il débarque avec son annexe 10 minutes plus tard pour venir boire le café sur Morgane.
Ça fait plaisir de se faire accueillir par quelqu’un qu’on connaît!
Le temps de se raconter nos histoires et nos déboires de la traversée, nous sautons dans son dingy et allons ensemble rejoindre le petit quai à terre.
Marcher… faire un pas devant l’autre. Ne pas perdre l’équilibre. Il faut reseter le cerveau.
Oulalalala ça tangue à gauche à droite, c’est complètement invraisemblable, on n’arrive pas à marcher droit! On plane sur l’asphalte! Notre marche jusqu’à la poste est délirante! Et puis petit à petit notre oreille interne s’adapte au terrain qui ne bouge pas. Et retrouve son équilibre.
Nico nous emmène ensuite visiter le village et nous présente à Cécile. Elle et son mari tiennent le magasin d’articles nautiques.
Cécile c’est une amoureuse des Marquises , elle s’intéresse à tout, elle connaît tous les bons plans, c’est une guide hors-pair! En l’espace de 10 minutes, elle nous informe sur tout ce que nous devons savoir, visiter et faire ou ne pas faire. Voilà comment le tour du propriétaire de Nuku Hiva a été fait virtuellement! C’est con, j’aurais dû l’enregistrer car je ne sais pas si je vais me rappeler de tout ce qu’elle nous a dit!
On se dirige ensuite vers la petite supérette acheter une glace et des chips. À l’intérieur tout est français. Ce sont des produits français avec les étiquettes en français et tout et tout ! Ca fait vraiment drôle! On a l’impression d’être en France ! En plus ça fait du bien d’être dans la supérette car la clim tourne à fond, Enfin du frais!
On se pose deux cent mètres plus loin le long de la plage pour regarder les deux locaux surfer les vagues formées par la jetée. Le take-off est chaud car la vague se rejoint de deux côtés et forme une sorte de L. Difficile à expliquer. Bref ils connaissent bien le truc et nous donnent bien envie!
On se remet en chemin pour s’arrêter quelques mètres plus loin pour un resto cette fois-ci. Et là encore la carte présente des mets bien français : andouillette, filet mignon de veau et j’en passe! On se régale!!
On décide quand même d’aligner un peu plus de pas et de prendre de la hauteur pour apercevoir la baie en entier.
Heureusement le ciel est bien couvert il ne fait pas trop chaud. Ça fait du bien de marcher, de remuscler gentiment les cuisses après 3 semaines d’immobilisation!
Chaque personne que nous croisons nous sourit et nous fait un signe de bienvenue. C’est attendrissant!
Au bord de la route poussent des pamplemoussier, des manguiers, des arbres à pain, des bananiers, des cocotiers et des frangipaniers… et plein d’autres plantes équatoriales qui laissent échapper des parfums doux et sucrés! Ça sent bon!
On vit quelle heure? La question qu’on se pose quand on sent la fatigue nous gagner. Aucune idée, nos pendules ne sont pas encore remontées à l’heure locale. On profite encore un peu de ce sentiment complètement déréglé qui ne nous dérange pas du tout! Au contraire, ça nous fait du bien!
De retour au bateau, nous profitons de la dernière heure de lumière pour gonfler notre annexe et remettre un peu d’ordre dans le carré et nous coucher tôt!
Demain rendez-vous à 7:00 à la gendarmerie pour faire notre entrée en Polynésie.
Besoin d’un Visa?
Jeudi 5 mai:
-Amanda: “Comment ça que trois mois?”
-Gendarme: “Oui c’est bien marqué en bas de la page, les citoyens des pays de l’espace Schengen doivent faire une demande de visa long séjour s'ils veulent rester plus longtemps que 3 mois en Polynésie française.”
-Amanda: Oh la tuile! Mais on ne savait pas! La Polynésie française c’est comme la France non?
-Gendarme: “Peut être que vous pouvez faire votre demande de visa à Tahiti mais normalement vous devez la faire dans votre pays d’origine avant d’arriver en Polynésie.”
Voilà comment a débuté notre deuxième journée à Nuku Hiva au poste de la gendarmerie.
Et nous qui rêvions de profiter de visiter tranquillement cette Polynésie. Le programme risque d’être compromis.
On passe voir Cécile au magasin de bateau pour lui raconter notre entrée accordée en Polynésie et le petit aléas concernant la situation de Robin. Étant donné que j’ai les deux passeports,suisse et français pour moi la durée de séjour est indéfinie.
Elle nous recommande de rendre visite à la chambre des représentants français, une jolie maison coloniale située à côté de la poste.
Un grand monsieur grisonnant très aimable nous reçoit dans son bureau et fait une copie du passeport de Robin en nous informant qu’il va poser la question à Tahiti et nous tient au courant dès qu’il aura la réponse.
Une pierre est jetée dans la mare.
On retourne au bateau chercher nos trois sacs de linge sale pour les apporter chez Daniel Moutarde. Et passons vite fait par les urgences de l’hôpital sous les conseils de Cécile.
Étant donné que mon infection à l’oreille persiste, il devient indispensable de consulter un médecin car ce n’est pas sous cette chaleur et cette humidité ambiante qu’elle va s’en aller de son propre gré!
Quelques minutes plus tard, je ressort de là avec une ordonnance bien remplie et la confirmation d’avoir une otite externe et une constipation aiguë!! A partir de ce stade je ne sais pas si j’ai plus mal au ventre qu’à l’oreille! Bref c’est pas drôle d’être constipé surtout quand on connaît pas!? Je vous épargne les détails.
Nous passons ensuite nous inscrire à la bibliothèque de Taiohae pour profiter du super wifi rapide pour appeler nos familles et répondre aux nombreux messages sur les réseaux sociaux…
Avant de remettre notre dingy à l’eau et retourner sur Morgane, on profite de visiter le petit marché qui se tient tous les matins à côté du quai. Il y a différents légumes récoltés dans la vallée voisine du village, des mangues, des pomelos, des régimes de bananes, des confitures, des biscuits fait maison et d’autres petites choses.
Je tilte sur le fruit de l’arbre à Pain et demande à une dame de m’expliquer sa préparation pour le manger. A partir de cette simple question, nous repartons du marché avec une invitation (sans dérogation) à participer à la prière du mercredi soir. Rdv à 18:00 sur le quai où Sabine passera nous prendre. Je ne sais pas si c’est une bonne ou une mauvaise situation… toujours est-il que nous sommes toujours partants pour une nouvelle expérience!
Pour l’anecdote: il y a avait un Pasteur avec Sabine au marché qui avait fait ses études de théologie en Suisse à Collonge et qui se trouvait être le frère du grand monsieur grisonnant du bureau des visas…
Voilà comment ou pourquoi nous nous sommes retrouvés assis sur les bancs de l’église adventiste du 7ème jour à écouter des jolis chants accompagnés par des ukulélés.
Droit de séjour jusqu’en 2027!
Dimanche 15 mai:
Le lendemain matin, mon bidon toujours gonflé à bloc, je me hisse tant bien que mal dans la jeep de Sabine. Elle nous offre la possibilité d’aller remplir nos jerricanes d’eau potable à la source du village de Taipivai situé dans la vallée voisine de Taiohae à 16km d’ici.
Nous passons prendre sa maman Yvonne qui profite aussi du voyage pour remplir ses bouteilles d’eau.
En route Sabine nous explique comment les hommes des tribus à l’époque protégeaient leur territoire.
-Sabine : “C’était des vrais carnivores! Si tu osais t’aventurer dans une autre vallée, ils te mangeaient tout cru!! Ils étaient comme ça les Marquisiens.”
Aujourd’hui ils te laissent libre accès à leur jardin pour cueillir des pamplemousses, des cocos vertes, des pommes « citerne », des goyaves et des fruits de la passion avec un grand sourire. Bon il faut le reconnaître nous sommes accompagnés de deux locaux bien connu(e)s dans la région!
De retour à Taiohae, Sabine en peine de mon mal de ventre décide de me concocter une potion magique sous les conseils de sa Tati. J’écoute leur conversation téléphonique avec le plus grand des plaisirs même si je ne comprends pas un mot de ce qu’elles disent. C’est mélodieux et jovial. La recette consiste à mélanger de l’eau de coco verte avec des herbes du jardin de son oncle et des jeunes pousses de goyavier pillées. A boire pendant 3 jours! J’espère que ça va donner le tour!
Pour la remercier de cette jolie expédition et d’être aux petits soins avec nous, nous l’invitons à déjeuner au marché.
Quelques heures plus tard, on tombe sur l’équipage de Chamade assis au snack du quai. Enfin des visages sur des mots… Plus de 6 mois de correspondance à essayer de se croiser sur l’eau et c’est ici aux Marquises finalement que nous nous rencontrons.
Puis les jours dans la baie de Taiohae se sont enchaînés à grande vitesse.
Nettoyage du bateau, traitement de la rouille à l’acide phosphorique , maintenance des équipements étaient au programme le matin de bonne heure avant qu’il ne fasse trop chaud. Puis vers 8:30 nous nous dirigions à terre pour rejoindre la bibliothèque où le wifi nous permettait de relever les e-mails et les WhatsApp et passer deux trois coups de fil avec la Suisse.
Faire les courses de produits frais après le passage du cargo.
Assister à la messe du dimanche matin prêchée par un prêtre très expressif accompagné par de magnifiques chants et des fidèles bons musiciens d' ukulélés!
Se prendre la tête avec la préparation du dossier pour la demande du permis de séjour pour Robin et l’édition de notre film de la transpac…
Et finalement aujourd’hui la bonne nouvelle qui tombe!
En pleine finalisation du dossier de permis de séjour, Elizabeth, la secrétaire du haut commissariat de Nuku Hiva, me demande de retourner à la gendarmerie pour recevoir mon tampon d’entrée dans mon passeport français afin qu’elle puisse faire une copie et la joindre au dossier avant de l’envoyer à Tahiti.
Donc on court vite fait à la gendarmerie et là le gendarme nous informe qu’il s’est trompé sur le statut de Robin. Il peut finalement rester le temps de l’expiration de son passeport suisse. Donc jusqu’en 2027. Non mais sérieux!??
Oh !!! je ne vous dis pas notre soulagement!
J’ai l’impression que ma constipation a lâché prise (c'est dangereux ça...) au même moment de cette annonce!
Tout est bien qui finit bien!
On attend maintenant d’avoir une jolie fenêtre météo pour changer de coin et aller visiter le nord de l’île de Nuku Hiva.
Il se fait soif!
Mardi 17 mai 2022:
Contrairement à ce qu’on pourrait croire le chef lieu des Marquises, Taiohae, n’a pas d’eau potable au robinet.
Il nous faut donc aller dans une autre vallée non loin de là pour remplir les cuves d’eau douce de Morgane.
Hooumi
Jeudi 19 Mai 2022:
Le mouillage tant attendu, tant rêvé…
là où le bateau ne bouge plus. Là où les portes des placards ne se referment pas toutes seules. Là où tu pourrais croire que tu dors à terre! Quel bonheur mais surtout quel remise en forme!
Ne pas se faire chahuter quand tu manges ou tu dors ou encore quand tu vas aux toilettes c’est une sensation de bien être total!
A peine mouillé dans la baie, nous avons profité du robinet d’eau potable à deux pas de la plage pour remplir tous nos jerricanes. Un seul voyage en annexe a suffi pour remplir à ras bord les 300 litres de réservoir de Morgane. On a même pu prendre une bonne douche avec le reste.
Puis Robin a profité aussi du plan d’eau calme pour monter au mât et redresser notre girouette tordue par la visite de nos clandestins les boobies.
Il est arrivé à temps aussi pour sauver notre antenne VHF qui ne tenait plus qu’à un fil! Quel bol! Maintenant il faut trouver une plaque en inox pour remplacer celle en plastique fendue et remettre en fonction notre radio VHF, qui pourrait nous être utile de temps en temps.
Le lendemain matin nous sommes partis à pied visiter la cascade de Taipivai située à 10 kilomètres de la plage de Hooumi. En route on se goinfre de mangues. Il y en a des tonnes qui tombent des arbres. Toutes de variétés différentes. Les toutes petites rondes jaunes ont le goût d’ananas, les vertes et rouge sont plutôt dans les saveurs de la pêche. Et il y a les autres qui ont le goût de mangue bien sûr!
Ici, pas besoin de prendre un pic-nic ou presque. On mange en route ! On a le choix entre les pamplemousses, les goyaves, les mangues, les pommes citernes, les grenades, les fruits de la passion, les citrons verts et les noix de coco vertes qui permettent de pas mourir de soif. Il faut juste pas oublier d’emporter la machette!
Il y a aussi des arbres à piment, les petits rouges bien fort. Des belles courges qui poussent à côté des chenaux. Et puis il y a ces arbustes qui ressemblent à des feux d’artifice de couleur orange, rouge, violet et jaune qui clôturent quelques propriétés. Bref toutes les plantes d’IKEA poussent ici au bord de la route. C’est vraiment grandiose. Je pense que dans quelques temps toute cette végétation prendra un air banal à nos yeux. Pour le moment je savoure cette authenticité à chaque pas.
La cascade est loin … le soleil tape déjà bien fort au-dessus de nos têtes. On marche depuis deux heures sur cette route en terre et enfin on l’aperçoit au loin couler le long de la falaise verdoyante. Un long filament blanc qui descend à pic de la montagne.
1 heure après nous atteignons enfin presque sa base. Cependant ça se corse un peu. Après avoir cheminé sur une route déforestée nous sommes maintenant devant un mur de jungle! Il faut se frayer un chemin à travers cette végétation luxuriante. A peine le pied posé en équilibre sur je ne sais quoi, nous voilà à la merci des moustiques et compagnie. Donc pas de temps à perdre il faut avancer le plus vite possible pour ne pas se faire dévorer. Le problème c’est qu’il faut poser les pieds adroitement sur tantôt des pierres, des troncs ou des branches recouverts de végétation qui nous arrivent à la taille bref on marche à l’aveugle. J’oublie pendant une fraction de seconde qu’il peut y avoir des milliers d’araignées et des cent pattes qui piquent… je me suis mis en mode Rambo avec l’objectif d’atteindre la cascade quoi qu’il arrive!
Quelques minutes plus tard c’est tout le corps plaqué contre la parois rocheuse que je profite de cette eau fraîche qui me tombe dessus c’est rafraîchissant et tonique! Quand je relève la tête, je vois Robin qui s’affaire avec épuisette dans la main gauche et bâton dans la main droite à essayer de pêcher des crevettes dans les gouilles à côté. Ça y est je l’ai perdu il est complètement omnibulé par sa pêche à la chevrette comme il disent en marquisien.
Supportant mal les moustiques je me remets en route pour retourner au village. Robin me rejoint une heure plus tard avec 8 petites chevrettes dans un bocal en plastique.
De retour au bateau avec presque 20 km de marche dans les jambes, je m’allonge pendant que Robin repart à la plage pour aller jouer au volley!
Quand il rentre juste à la tombée de la nuit, il m’annonce que demain nous allons à la pêche à la chevrette à cheval et de nuit!! Ça c’est une invitation qui ne se refuse pas!
UA HUKA
Baie de Haavei
Samedi 21 Mai 2022:
Eole nous offre deux jours d’accalmie. Si on n'en profite pas maintenant nous risquons d’être coincés sur l’île de Nuku Hiva jusqu’au mois prochain voire plus longtemps. Alors on saute dans le train, pour rejoindre Hiva Oa, une île située au sud de l’archipel des Marquises.
C’est après 4 heures de moteur sur une mer presque d’huile que nous faisons escale d’une nuit dans la baie de Haavei
située au sud-ouest de l’ile de Ua Huka. Endroit stratégique choisi pour avoir un meilleur angle de navigation par rapport au vent d’est annoncé pour le lendemain et rejoindre le nord de Hiva Oa.
Nous mouillons dans une eau turquoise face à une plage de sable blanc où une palmeraie et deux maisons en bois s’ajoutent à la carte postale paradisiaque. Sur le côté, un immense rocher de couleur rouge pourpre nous abrite du vent et plus au sud deux rochers qui émergent de l’eau nous protègent quelque peu de la houle du sud. Je ne vous cache pas que la nuit fut très rouleuse malgré tout!
La découverte des îles des Marquises va se rythmer premièrement par les conditions de vent annoncées mais aussi par ce fameux festival de danse et de chants marquisiens qui a lieu du 7 au 15 juillet à Fatu Hiva l’île la plus au sud-est de l’archipel. Un festival unique en son genre qui se déroule une fois par année. Bref l’évènement à ne pas manquer! De plus, les deux baies possibles pour l'ancrage étant très petites, il faut arriver en avance afin de réserver sa place!
Depuis Nuku Hiva trois jours de navigation en ligne droite sont nécessaires pour rejoindre Fatu Hiva. Le petit problème c’est qu’il souffle constamment du vent du Sud-Est à 20-25 noeuds. En ajoutant de la houle et des vagues du sud cela donne au final un acharnement quotidien contre les éléments ce qui ne nous motive pas du tout. C’est pourquoi des journées comme aujourd’hui sont précieuses pour avancer sans trop de mal mais malheureusement au moteur!
Depuis Fatu Hiva il sera beaucoup plus facile de repartir au nord et visiter plus en détails chaque île et chaque mouillage de l’archipel des Marquises… et puis on a le temps. Il nous faudra peut être une année pour bien visiter ces petits paradis. Qui sait?
Pour l’instant chaque escale est remplie de surprises, de rencontres inoubliables et d’expériences nouvelles. Alors on en profite à fond!
mardi 3 mai 2022:
Il est 5:40, le jour se lève, la nuit a été courte et rouleuse.
Je me dresse sur le lit et passe ma tête à travers le hublot à l’avant du bateau comme un suricate qui se dresse sur ses deux pattes arrière pour voir ce qui se passe au loin…
et là devant mes yeux encore tout endormis se dresse un cirque montagneux abrupt recouvert de vert. Il y a du vert partout. Comme c’est spectaculaire et splendide!
Un sentiment de magie et de tendresse nous enveloppe d’un seul coup. Comme si les dieux du coin nous serraient très fort dans leurs bras pour nous souhaiter la Bienvenue au paradis et d’un geste réconfortant nous disent: vas-y, relâche-toi, laisse-toi aller, tu peux pleurer, rire ou crier de joie, tu es arrivée à bon port. Tu es en sécurité maintenant, tu vas pouvoir te reposer dans ce havre de paix!
On se fait des pancakes et du café pour notre premier petit déjeuner à l’ancre!
Au même moment je reçoit un message de bienvenue de Nico, notre pote français rencontré à la Paz qui est arrivé aux Marquises il y a dix jours.Il débarque avec son annexe 10 minutes plus tard pour venir boire le café sur Morgane.
Ça fait plaisir de se faire accueillir par quelqu’un qu’on connaît!
Le temps de se raconter nos histoires et nos déboires de la traversée, nous sautons dans son dingy et allons ensemble rejoindre le petit quai à terre.
Marcher… faire un pas devant l’autre. Ne pas perdre l’équilibre. Il faut reseter le cerveau.
Oulalalala ça tangue à gauche à droite, c’est complètement invraisemblable, on n’arrive pas à marcher droit! On plane sur l’asphalte! Notre marche jusqu’à la poste est délirante! Et puis petit à petit notre oreille interne s’adapte au terrain qui ne bouge pas. Et retrouve son équilibre.
Nico nous emmène ensuite visiter le village et nous présente à Cécile. Elle et son mari tiennent le magasin d’articles nautiques.
Cécile c’est une amoureuse des Marquises , elle s’intéresse à tout, elle connaît tous les bons plans, c’est une guide hors-pair! En l’espace de 10 minutes, elle nous informe sur tout ce que nous devons savoir, visiter et faire ou ne pas faire. Voilà comment le tour du propriétaire de Nuku Hiva a été fait virtuellement! C’est con, j’aurais dû l’enregistrer car je ne sais pas si je vais me rappeler de tout ce qu’elle nous a dit!
On se dirige ensuite vers la petite supérette acheter une glace et des chips. À l’intérieur tout est français. Ce sont des produits français avec les étiquettes en français et tout et tout ! Ca fait vraiment drôle! On a l’impression d’être en France ! En plus ça fait du bien d’être dans la supérette car la clim tourne à fond, Enfin du frais!
On se pose deux cent mètres plus loin le long de la plage pour regarder les deux locaux surfer les vagues formées par la jetée. Le take-off est chaud car la vague se rejoint de deux côtés et forme une sorte de L. Difficile à expliquer. Bref ils connaissent bien le truc et nous donnent bien envie!
On se remet en chemin pour s’arrêter quelques mètres plus loin pour un resto cette fois-ci. Et là encore la carte présente des mets bien français : andouillette, filet mignon de veau et j’en passe! On se régale!!
On décide quand même d’aligner un peu plus de pas et de prendre de la hauteur pour apercevoir la baie en entier.
Heureusement le ciel est bien couvert il ne fait pas trop chaud. Ça fait du bien de marcher, de remuscler gentiment les cuisses après 3 semaines d’immobilisation!
Chaque personne que nous croisons nous sourit et nous fait un signe de bienvenue. C’est attendrissant!
Au bord de la route poussent des pamplemoussier, des manguiers, des arbres à pain, des bananiers, des cocotiers et des frangipaniers… et plein d’autres plantes équatoriales qui laissent échapper des parfums doux et sucrés! Ça sent bon!
On vit quelle heure? La question qu’on se pose quand on sent la fatigue nous gagner. Aucune idée, nos pendules ne sont pas encore remontées à l’heure locale. On profite encore un peu de ce sentiment complètement déréglé qui ne nous dérange pas du tout! Au contraire, ça nous fait du bien!
De retour au bateau, nous profitons de la dernière heure de lumière pour gonfler notre annexe et remettre un peu d’ordre dans le carré et nous coucher tôt!
Demain rendez-vous à 7:00 à la gendarmerie pour faire notre entrée en Polynésie.
Besoin d’un Visa?
Jeudi 5 mai:
-Amanda: “Comment ça que trois mois?”
-Gendarme: “Oui c’est bien marqué en bas de la page, les citoyens des pays de l’espace Schengen doivent faire une demande de visa long séjour s'ils veulent rester plus longtemps que 3 mois en Polynésie française.”
-Amanda: Oh la tuile! Mais on ne savait pas! La Polynésie française c’est comme la France non?
-Gendarme: “Peut être que vous pouvez faire votre demande de visa à Tahiti mais normalement vous devez la faire dans votre pays d’origine avant d’arriver en Polynésie.”
Voilà comment a débuté notre deuxième journée à Nuku Hiva au poste de la gendarmerie.
Et nous qui rêvions de profiter de visiter tranquillement cette Polynésie. Le programme risque d’être compromis.
On passe voir Cécile au magasin de bateau pour lui raconter notre entrée accordée en Polynésie et le petit aléas concernant la situation de Robin. Étant donné que j’ai les deux passeports,suisse et français pour moi la durée de séjour est indéfinie.
Elle nous recommande de rendre visite à la chambre des représentants français, une jolie maison coloniale située à côté de la poste.
Un grand monsieur grisonnant très aimable nous reçoit dans son bureau et fait une copie du passeport de Robin en nous informant qu’il va poser la question à Tahiti et nous tient au courant dès qu’il aura la réponse.
Une pierre est jetée dans la mare.
On retourne au bateau chercher nos trois sacs de linge sale pour les apporter chez Daniel Moutarde. Et passons vite fait par les urgences de l’hôpital sous les conseils de Cécile.
Étant donné que mon infection à l’oreille persiste, il devient indispensable de consulter un médecin car ce n’est pas sous cette chaleur et cette humidité ambiante qu’elle va s’en aller de son propre gré!
Quelques minutes plus tard, je ressort de là avec une ordonnance bien remplie et la confirmation d’avoir une otite externe et une constipation aiguë!! A partir de ce stade je ne sais pas si j’ai plus mal au ventre qu’à l’oreille! Bref c’est pas drôle d’être constipé surtout quand on connaît pas!? Je vous épargne les détails.
Nous passons ensuite nous inscrire à la bibliothèque de Taiohae pour profiter du super wifi rapide pour appeler nos familles et répondre aux nombreux messages sur les réseaux sociaux…
Avant de remettre notre dingy à l’eau et retourner sur Morgane, on profite de visiter le petit marché qui se tient tous les matins à côté du quai. Il y a différents légumes récoltés dans la vallée voisine du village, des mangues, des pomelos, des régimes de bananes, des confitures, des biscuits fait maison et d’autres petites choses.
Je tilte sur le fruit de l’arbre à Pain et demande à une dame de m’expliquer sa préparation pour le manger. A partir de cette simple question, nous repartons du marché avec une invitation (sans dérogation) à participer à la prière du mercredi soir. Rdv à 18:00 sur le quai où Sabine passera nous prendre. Je ne sais pas si c’est une bonne ou une mauvaise situation… toujours est-il que nous sommes toujours partants pour une nouvelle expérience!
Pour l’anecdote: il y a avait un Pasteur avec Sabine au marché qui avait fait ses études de théologie en Suisse à Collonge et qui se trouvait être le frère du grand monsieur grisonnant du bureau des visas…
Voilà comment ou pourquoi nous nous sommes retrouvés assis sur les bancs de l’église adventiste du 7ème jour à écouter des jolis chants accompagnés par des ukulélés.
Droit de séjour jusqu’en 2027!
Dimanche 15 mai:
Le lendemain matin, mon bidon toujours gonflé à bloc, je me hisse tant bien que mal dans la jeep de Sabine. Elle nous offre la possibilité d’aller remplir nos jerricanes d’eau potable à la source du village de Taipivai situé dans la vallée voisine de Taiohae à 16km d’ici.
Nous passons prendre sa maman Yvonne qui profite aussi du voyage pour remplir ses bouteilles d’eau.
En route Sabine nous explique comment les hommes des tribus à l’époque protégeaient leur territoire.
-Sabine : “C’était des vrais carnivores! Si tu osais t’aventurer dans une autre vallée, ils te mangeaient tout cru!! Ils étaient comme ça les Marquisiens.”
Aujourd’hui ils te laissent libre accès à leur jardin pour cueillir des pamplemousses, des cocos vertes, des pommes « citerne », des goyaves et des fruits de la passion avec un grand sourire. Bon il faut le reconnaître nous sommes accompagnés de deux locaux bien connu(e)s dans la région!
De retour à Taiohae, Sabine en peine de mon mal de ventre décide de me concocter une potion magique sous les conseils de sa Tati. J’écoute leur conversation téléphonique avec le plus grand des plaisirs même si je ne comprends pas un mot de ce qu’elles disent. C’est mélodieux et jovial. La recette consiste à mélanger de l’eau de coco verte avec des herbes du jardin de son oncle et des jeunes pousses de goyavier pillées. A boire pendant 3 jours! J’espère que ça va donner le tour!
Pour la remercier de cette jolie expédition et d’être aux petits soins avec nous, nous l’invitons à déjeuner au marché.
Quelques heures plus tard, on tombe sur l’équipage de Chamade assis au snack du quai. Enfin des visages sur des mots… Plus de 6 mois de correspondance à essayer de se croiser sur l’eau et c’est ici aux Marquises finalement que nous nous rencontrons.
Puis les jours dans la baie de Taiohae se sont enchaînés à grande vitesse.
Nettoyage du bateau, traitement de la rouille à l’acide phosphorique , maintenance des équipements étaient au programme le matin de bonne heure avant qu’il ne fasse trop chaud. Puis vers 8:30 nous nous dirigions à terre pour rejoindre la bibliothèque où le wifi nous permettait de relever les e-mails et les WhatsApp et passer deux trois coups de fil avec la Suisse.
Faire les courses de produits frais après le passage du cargo.
Assister à la messe du dimanche matin prêchée par un prêtre très expressif accompagné par de magnifiques chants et des fidèles bons musiciens d' ukulélés!
Se prendre la tête avec la préparation du dossier pour la demande du permis de séjour pour Robin et l’édition de notre film de la transpac…
Et finalement aujourd’hui la bonne nouvelle qui tombe!
En pleine finalisation du dossier de permis de séjour, Elizabeth, la secrétaire du haut commissariat de Nuku Hiva, me demande de retourner à la gendarmerie pour recevoir mon tampon d’entrée dans mon passeport français afin qu’elle puisse faire une copie et la joindre au dossier avant de l’envoyer à Tahiti.
Donc on court vite fait à la gendarmerie et là le gendarme nous informe qu’il s’est trompé sur le statut de Robin. Il peut finalement rester le temps de l’expiration de son passeport suisse. Donc jusqu’en 2027. Non mais sérieux!??
Oh !!! je ne vous dis pas notre soulagement!
J’ai l’impression que ma constipation a lâché prise (c'est dangereux ça...) au même moment de cette annonce!
Tout est bien qui finit bien!
On attend maintenant d’avoir une jolie fenêtre météo pour changer de coin et aller visiter le nord de l’île de Nuku Hiva.
Il se fait soif!
Mardi 17 mai 2022:
Contrairement à ce qu’on pourrait croire le chef lieu des Marquises, Taiohae, n’a pas d’eau potable au robinet.
Il nous faut donc aller dans une autre vallée non loin de là pour remplir les cuves d’eau douce de Morgane.
Hooumi
Jeudi 19 Mai 2022:
Le mouillage tant attendu, tant rêvé…
là où le bateau ne bouge plus. Là où les portes des placards ne se referment pas toutes seules. Là où tu pourrais croire que tu dors à terre! Quel bonheur mais surtout quel remise en forme!
Ne pas se faire chahuter quand tu manges ou tu dors ou encore quand tu vas aux toilettes c’est une sensation de bien être total!
A peine mouillé dans la baie, nous avons profité du robinet d’eau potable à deux pas de la plage pour remplir tous nos jerricanes. Un seul voyage en annexe a suffi pour remplir à ras bord les 300 litres de réservoir de Morgane. On a même pu prendre une bonne douche avec le reste.
Puis Robin a profité aussi du plan d’eau calme pour monter au mât et redresser notre girouette tordue par la visite de nos clandestins les boobies.
Il est arrivé à temps aussi pour sauver notre antenne VHF qui ne tenait plus qu’à un fil! Quel bol! Maintenant il faut trouver une plaque en inox pour remplacer celle en plastique fendue et remettre en fonction notre radio VHF, qui pourrait nous être utile de temps en temps.
Le lendemain matin nous sommes partis à pied visiter la cascade de Taipivai située à 10 kilomètres de la plage de Hooumi. En route on se goinfre de mangues. Il y en a des tonnes qui tombent des arbres. Toutes de variétés différentes. Les toutes petites rondes jaunes ont le goût d’ananas, les vertes et rouge sont plutôt dans les saveurs de la pêche. Et il y a les autres qui ont le goût de mangue bien sûr!
Ici, pas besoin de prendre un pic-nic ou presque. On mange en route ! On a le choix entre les pamplemousses, les goyaves, les mangues, les pommes citernes, les grenades, les fruits de la passion, les citrons verts et les noix de coco vertes qui permettent de pas mourir de soif. Il faut juste pas oublier d’emporter la machette!
Il y a aussi des arbres à piment, les petits rouges bien fort. Des belles courges qui poussent à côté des chenaux. Et puis il y a ces arbustes qui ressemblent à des feux d’artifice de couleur orange, rouge, violet et jaune qui clôturent quelques propriétés. Bref toutes les plantes d’IKEA poussent ici au bord de la route. C’est vraiment grandiose. Je pense que dans quelques temps toute cette végétation prendra un air banal à nos yeux. Pour le moment je savoure cette authenticité à chaque pas.
La cascade est loin … le soleil tape déjà bien fort au-dessus de nos têtes. On marche depuis deux heures sur cette route en terre et enfin on l’aperçoit au loin couler le long de la falaise verdoyante. Un long filament blanc qui descend à pic de la montagne.
1 heure après nous atteignons enfin presque sa base. Cependant ça se corse un peu. Après avoir cheminé sur une route déforestée nous sommes maintenant devant un mur de jungle! Il faut se frayer un chemin à travers cette végétation luxuriante. A peine le pied posé en équilibre sur je ne sais quoi, nous voilà à la merci des moustiques et compagnie. Donc pas de temps à perdre il faut avancer le plus vite possible pour ne pas se faire dévorer. Le problème c’est qu’il faut poser les pieds adroitement sur tantôt des pierres, des troncs ou des branches recouverts de végétation qui nous arrivent à la taille bref on marche à l’aveugle. J’oublie pendant une fraction de seconde qu’il peut y avoir des milliers d’araignées et des cent pattes qui piquent… je me suis mis en mode Rambo avec l’objectif d’atteindre la cascade quoi qu’il arrive!
Quelques minutes plus tard c’est tout le corps plaqué contre la parois rocheuse que je profite de cette eau fraîche qui me tombe dessus c’est rafraîchissant et tonique! Quand je relève la tête, je vois Robin qui s’affaire avec épuisette dans la main gauche et bâton dans la main droite à essayer de pêcher des crevettes dans les gouilles à côté. Ça y est je l’ai perdu il est complètement omnibulé par sa pêche à la chevrette comme il disent en marquisien.
Supportant mal les moustiques je me remets en route pour retourner au village. Robin me rejoint une heure plus tard avec 8 petites chevrettes dans un bocal en plastique.
De retour au bateau avec presque 20 km de marche dans les jambes, je m’allonge pendant que Robin repart à la plage pour aller jouer au volley!
Quand il rentre juste à la tombée de la nuit, il m’annonce que demain nous allons à la pêche à la chevrette à cheval et de nuit!! Ça c’est une invitation qui ne se refuse pas!
UA HUKA
Baie de Haavei
Samedi 21 Mai 2022:
Eole nous offre deux jours d’accalmie. Si on n'en profite pas maintenant nous risquons d’être coincés sur l’île de Nuku Hiva jusqu’au mois prochain voire plus longtemps. Alors on saute dans le train, pour rejoindre Hiva Oa, une île située au sud de l’archipel des Marquises.
C’est après 4 heures de moteur sur une mer presque d’huile que nous faisons escale d’une nuit dans la baie de Haavei
située au sud-ouest de l’ile de Ua Huka. Endroit stratégique choisi pour avoir un meilleur angle de navigation par rapport au vent d’est annoncé pour le lendemain et rejoindre le nord de Hiva Oa.
Nous mouillons dans une eau turquoise face à une plage de sable blanc où une palmeraie et deux maisons en bois s’ajoutent à la carte postale paradisiaque. Sur le côté, un immense rocher de couleur rouge pourpre nous abrite du vent et plus au sud deux rochers qui émergent de l’eau nous protègent quelque peu de la houle du sud. Je ne vous cache pas que la nuit fut très rouleuse malgré tout!
La découverte des îles des Marquises va se rythmer premièrement par les conditions de vent annoncées mais aussi par ce fameux festival de danse et de chants marquisiens qui a lieu du 7 au 15 juillet à Fatu Hiva l’île la plus au sud-est de l’archipel. Un festival unique en son genre qui se déroule une fois par année. Bref l’évènement à ne pas manquer! De plus, les deux baies possibles pour l'ancrage étant très petites, il faut arriver en avance afin de réserver sa place!
Depuis Nuku Hiva trois jours de navigation en ligne droite sont nécessaires pour rejoindre Fatu Hiva. Le petit problème c’est qu’il souffle constamment du vent du Sud-Est à 20-25 noeuds. En ajoutant de la houle et des vagues du sud cela donne au final un acharnement quotidien contre les éléments ce qui ne nous motive pas du tout. C’est pourquoi des journées comme aujourd’hui sont précieuses pour avancer sans trop de mal mais malheureusement au moteur!
Depuis Fatu Hiva il sera beaucoup plus facile de repartir au nord et visiter plus en détails chaque île et chaque mouillage de l’archipel des Marquises… et puis on a le temps. Il nous faudra peut être une année pour bien visiter ces petits paradis. Qui sait?
Pour l’instant chaque escale est remplie de surprises, de rencontres inoubliables et d’expériences nouvelles. Alors on en profite à fond!