Oct - mai 2020
Bye bye Kodiak
C’’est avec le cœur rempli d’émotion et de tristesse que nous levons l’ancre de la charmante baie d’Anton Larsen Island et quittons ses chaleureux et généreux habitants. Même le temps est triste avec un ciel gris et pluvieux en ce mardi 19 mai 2020.
Avant de nous mettre en route pour la péninsule de Kenai et après la visite de Will en kayak, nous profitons d’une petite accalmie pour nous rendre une dernière fois chez nos très chers adorés Bruce et Midge et dire au revoir à la petite cabane sur la plage où nous avons vécu pendant 3 mois cet hiver.
Midge nous a préparé deux cartons remplis de bonnes choses. Il y a un gâteau au chocolat spécialement préparé pour Robin, un gâteau aux raisins et cannelle, des boules de popcorn sucrées pour effrayer les lions de mer, des œufs frais de nos poules préférées, des feuilles d’épinard, deux côtelettes de biche, une bouteille de vin de fruit rouge et une bouteille de bière aromatisée aux feuilles de Canabis que Bruce a distillée cet hiver! Ils nous ont aussi offert un gros pot rempli d’herbes aromatiques de leur jardin. En plus de tout ça, Janette nous a fait des biscuits aux pépites de chocolat et une tarte au citron juste divine! Et Susan et Don nous ont donné une quinzaine de boîtes de King Salmon qu’ils pêchent chaque été! Bref les armoires de Morgane débordent de nourriture, nous sommes gâtés et tellement touchés par toute cette générosité! Heureusement que le COVID oblige la distance sociale de 6 pieds .. cela rend la séparation moins émouvante !
7 mois de vie à Kodiak ne nous laissent pas indifférents surtout quand on a eu la chance de partager la vie exceptionnelle de ses habitants et pas n’importe lesquels. Et de s’imaginer vivre cette vie pour toujours!
Petit retour en arrière...
Le 9 octobre 2019:
Radio on Chanel 16...
> harbourmaster, harbourmaster, harbourmaster, this is Morgane. Do you copy?
> hello Morgane, please switch to Chanel 12.
> here we are! Can we dock in?
> what is your length and draft?
> 34 feet long and 4 feet draft we are on a sail boat.
> ok go to A40. I will be there to help you.
Voici comment notre arrivée au port de Kodiak a débuté. Le lendemain matin nous passons au bureau du port où les charmantes dames qui y travaillent nous accueillent chaleureusement et nous dégotent une autre place afin de nous permettre de rester au St Paul Harbour pendant une semaine. Et elles nous suggèrent d’ailleurs de rester ici tout l’hiver!
Kodiak
Si Kodiak désigne à la fois un archipel, une île, une ville, un crabe et un ours, c’est avant tout un condensé de ce que le 49ème des Etats Unis offre de meilleur !!!
Kodiak est aussi l’Île Emeraude d’Alaska, très connue pour sa pluie, ses ours et ses pêches miraculeuses. La seconde plus grande île des Etats-Unis après Hawaï donna son nom à l’archipel. Avec 160 km de long et une largeur variant entre 16 et 96 km, on peut s’y promener longtemps sans croiser personne.
Les Amérindiens Alutiiques, présents sur Kodiak depuis 7 500 ans, vénéraient la force et la ruse des ours. Ils utilisaient leurs sentiers pour circuler à l’intérieur des terres et comptaient sur eux pour survivre. Cette interaction fut bien sûr bouleversée par l’arrivée en 1763 des premiers Européens, des Russes chasseurs et négociants en fourrure. Ceux-ci fondèrent la ville de Kodiak, capitale de l’Amérique russe de 1792 à 1799. Le patrimoine rappelant cette époque est soigneusement mis en valeur. L’office orthodoxe est toujours pratiqué dans l’église couronnée de bulbes bleus, reconstruite il y a quelques décennies.
Aujourd’hui l'île de Kodiak compte 13.000 habitants. Ils viennent faire leurs courses à Safeway Walmart, Cost Saver et Spinard, en grosse jeep 4x4 pour les citadains, en bateau pour ceux qui habitent sur les îles environnantes et en hydravion pour les plus éloignés.
Le 27 mars 1964, la ville fut très gravement touchée par le tremblement de terre du vendredi saint (Good Friday earthquake), le second plus puissant tremblement de terre jamais enregistré en Amérique et par le raz de marée et les incendies qu’il provoqua.
On espère que dame nature va se tenir tranquille pendant notre séjour dans le plus grand port de pêche d’Alaska!!
Car ici nous prenons le temps de bien nous reposer, de digérer nos longues et tumultueuses navigations du passage du Nord-Ouest, de reprendre contact avec la civilisation et goût avec les grands magasins et d’attendre l’arrivée de Bastian.
Bastian c’est un ami suisse de Robin qui vit depuis 5 ans sur l’île de Vancouver où il exerce son métier de pilote d’hélicoptère.
Le 15 octobre 2019:
Il embarque sur Morgane avec 3 paddle boards! Après avoir fait connaissance et être passé au liquor store, notre escapade autour de l’île de Kodiak peut débuter!
Un temps magnifique va nous permettre pendant 10 jours de visiter et mouiller Morgane dans chaque baie située du côté Est de l’île d’Afognak. A chaque atterrissage, nous sautons sur nos paddles respectifs pour découvrir les alentours, faire connaissance avec la civilisation locale et remonter les rivières pour pêcher du saumon. D’ailleurs, Robin ne tardera pas à nous ramener un beau silver salmon remplis d’œufs qu’il pêche perché du haut de son paddle!
À terre nous marchons sur une végétation luxuriante, relevons des empreintes de pas d’ours et des milliers de crottes de biche et de lapins. Nous suivons les sentiers des animaux. Le sol et les sapins sont recouverts d’une épaisse mousse verte. A certains endroits il y a des tonnes de champignons, des bolets et des pieds-de- mouton monstrueux et des tapis de chanterelles à trompette sous les petits arbustes garnis de myrtilles. On se croit vraiment aux pays des merveilles! Le plus dommage ou le plus fantastique c’est que nous devons nous résigner à récolter les quantités adéquates journalières pour nourrir trois personnes et pas une de plus car nous ne sommes pas encore équipés pour faire des conserves!
Bastian ne manque pas un instant pour faire voler son drone afin de capturer les moments magiques de nos journées. Et ce ne sont même pas les moments de stress intense au décollage et à l’atterrissage sur le pont du bateau qui l’empêchent de poursuivre ses clichés!
Le 21 octobre 2019:
De retour sur l’île de Kodiak nous mouillons dans la baie d'Anton Larsen située au nord-ouest du port de Kodiak.
Une route en terre de 30 km permet de relier la baie à la ville en passant par un col.
N’ayant plus de réseau téléphonique depuis 1 semaine, nous décidons de rejoindre le col à 11 km à pied en espérant capter du réseau pour connaître la météo des prochains jours.
Nous rentrons juste avant la tombée de la nuit et sommes véhiculés pour les 5 derniers kilomètres par Janette et Joy,son Labrador.
Cette rencontre avec Janette va chambouler tous nos plans!
Entrevue brève mais insolite, Janette nous propose de rendre visite à Midge et Bruce qui habitent juste en face de notre mouillage.
Le lendemain matin c’est à bord de nos paddles que nous partons à la rencontre du couple.
Accueilli par Bruce, un homme d’âge mûr au sourire étincelant, nous débarquons sur la plage où une petite cabine en bois repose sur 4 pilotis. S’ensuit alors la visite d’un havre de paix hors du commun et d’une pizza party faite maison!
Bruce, biologiste, a gagné son pain grâce à la pêche. Natif de Kodiak, il découvre l’île d’Anton Larsen en 1980 et construit de cabane en cabane, un lieu simple, accueillant et surtout autonome à tous points de vue.
Sa femme Midge, une anglaise émigrée illégalement aux États-Unis, va faire sa place durant ses premières années en Alaska à bord d’un bateau de pêche dans la baie de Bristol comme cuisinière clandestine. Puis elle rencontre et partage la saison de pêche au saumon avec Janette et finalement plante sa tente à côté de la propriété de Bruce qui lui permet de rester vivre sur Anton et lui propose de cultiver des patates. Depuis,les années ont passé, ils se sont mariés,ont eu beaucoup de poules, planté beaucoup de légumes et coupé beaucoup de bois!
En effet, pour vivre en autarcie comme ils le font, le travail est de rigueur. Et nous ne savons pas encore que nous allons vivre à leurs côtés et nous fondre dans leur rythme de vie quotidien alaskien durant les trois prochains mois.
Avant que Bastian ne retourne à ses obligations de pilote, nous profitons des derniers jours en sa compagnie et d’un magnifique temps pour monter au sommet de la montagne “Pyramid”. Avec Robin nous redescendons en parapente pendant que Bastian nous filme avec son drone et nous rejoint à pieds. (voir video Num 25)
A la fois admiratif et dégoûté de nous voir voler, il décide ce jour-là qu’il va apprendre à voler en parapente! Deux mois plus tard son souhait se réalise en Suisse et il revient au Canada avec le parapente du frère de Robin sous le bras !
Lever le pied après tant de mille parcourus cette année nous a demandé un temps d adaptation. Mais grâce aux habitants de cette région du monde qui nous ont accueillis les bras ouvert, comme de nouveaux parents adoptifs, il est à présent difficile de les quitter précipitamment.
Alors nous décidons de rester vivre cet hiver à Kodiak.
Nous passons un magnifique mois de novembre à dormir dans Morgane mouillée dans la baie bien protégée d’Anton Larsen et nos journées à terre pour donner des coups de main à Bruce et Midge et de temps en temps à Janette.
Au programme :
⁃ Pêche aux halibuts (flétan) à bord de leur skiff
⁃ Collecte de tronc d’arbres échoués sur les plages
⁃ Récolte de légumes du jardin
⁃ Coupe de bois pour la construction d’une serre et pour se chauffer
⁃ Récolte d’algues à marée basse pour le compost
⁃ Récolte de champignons (cette fois-ci à la tonne pour en faire des conserves!)
⁃ Fabrication de vin de fruit rouge maison
⁃ Fabrication d’huile de CBD
⁃ Chasse au gibier
⁃ Construction d’un paravent en latte de bois autour du four à pizza.
⁃ Tannage de peau de biche
⁃ Triage de graines de légumes pendant que Midge nous prépare un festin dînatoire..
⁃ Transpirer jusqu’à l’os et se laver dans le Bagna russe (Hamam) une fois par semaine
Bref autant vous dire que notre vie à terre nous fait vite oublier par où nous sommes passés! On ne s’ennuie pas une seconde !
Pendant notre séjour sur Anton, nous avons aussi la chance de rencontrer ses autres habitants :
À côté de Bruce et Midge il y a notre Janette, la doyenne de l’île. Elle est discrète mais elle a l’oreille attentive et ne rate rien de la conversation. Entêtée et autonome, il est difficile pour elle d’accepter l’aide d’autrui sachant qu’elle n'a toujours compté que sur elle même. Janette a construit sa maison octogonale de ses propres mains. Elle a bravé la mer de Béring pour la pêche au saumon, vécu dans une tente sur la banquise alaskienne. Et n’est jamais retournée vivre au Minnesota! Elle aussi est tombée amoureuse du Nord et a décidé de résider pour toujours en Alaska.
Ses voisins sont Don et Susan Dumm. Lui pêcheur et elle biologiste : ils gagnent leur vie grâce à la pêche au saumon en été et Don installe des panneaux solaires en hiver. Ils ont aussi construit leur maison par leurs propres mains. Ils ont deux fils Will et Wesley qui étudient dans le Montana.
En face de la rive habitent Andy et Petrina, originaires et natifs de Kodiak : ils cultivent aussi leurs propres légumes et font du vin de fruit rouge maison délicieux.
Le 5 novembre 2019:
Pour les 30 ans de Robin une surprise l’attend.. Nous lui demandons d’aller relever le panier à crabe que Bruce a déposé la veille dans la baie. C'est avec un énorme étonnement qu’il y découvre deux monstrueux crabes royaux de 50cm de diamètre chacun. Suite à l’expression trop joyeuse de Bruce “Big ones!” Robin éclate de rire et s’aperçoit de la supercherie d’avoir attrapé des « king crabe » dans un panier à crevette!
Le 1er décembre 2019:
La baie commence à geler. Il est temps de mettre Morgane en sécurité. Nous décidons alors de l’amarrer au port de Kodiak pendant que nous prenons nos quartiers dans la petite cabane sur la plage pendant les deux prochains mois.
La neige commence à bien tomber et nous permet de skier à peu près tous les sommets du nord de l’île de Kodiak.
On en profite aussi pour rendre de temps en temps visite à notre chère Morgane quand le col est accessible en voiture et nous permet de rouler jusqu’au port.
On est stupéfait de voir Morgane déneigée. Nous nous dirigeons vers le MC DO, où le wifi gratuit est le plus rapide de la ville, pour apprendre que c’est Judi Kidder et son mari Dave qui nous ont aimablement et spontanément déblayé le pont sans même que nous le demandions!
Le 28 décembre 2019:
Nous débutons la construction d’un “rocket mass heater” - chauffage à bois périphérique (voir les photos de l’album Kodiak) pour le potting shed de Midge (sa cabane à pot de fleur).
Sous sa direction, nous commençons à construire une cinquantaine de briques réfractaires pouvant résister à des températures de plus de 1000 degrés et qui serviront de tunnel et chambre de combustion. L’entreposage de deux barils trouvés à la déchèterie permet le retour de l’air chaud dans la canalisation et enfin la récolte de beuse (bouse) de vache sur la route de Pasagshak nous permet de finaliser la maçonnerie et le shape final du chauffage. Cette construction est un vrai chef d’œuvre!!! Et il fonctionne divinement!!
On est engagé aussi pour repeindre le dessous du skiff de Janette qui s’est retrouver échoué sur les cailloux pendant la tempête. Heureusement Bruce a pu le sauver à temps et avec le travail de soudure d’Andy, il a ressuscité! C’est important d’avoir un bateau quand on habite sur une île afin ne pas dépendre des autres pour se nourrir et se déplacer et par dessus tout pour se sentir libre!
Le 29 janvier 2020:
C’est sous la tempête de neige que notre avion décolle de justesse de Kodiak. Nous faisons une escale de deux jours à Anchorage où nous revoyons notre ami Adam que nous avions rencontré à Sand Point. Il nous a rejoint depuis Homer et nous propose de nous conduire en direction de Seward pour visiter le coin. Nous passons par la fameuse station de ski Alyeaska où le décor est juste sensationnel. Des tonnes de neige ont plâtré tous les sapins! Tout est blanc et il continue de neiger! Ah dommage que nos skis soient restés à Kodiak..
Nous passons tout le mois de février en Suisse à pouponner ma nouvelle nièce fraîchement née, à manger des tartines de parfait avec Evan au petit déjeuner, à profiter de nos familles et de nos amis, à attraper la grippe, à faire notre premier biplace ensemble en parapente, à luger et skier le temps d’un week-end .. et nous voilà déjà de retour à Kodiak.
Accueillis chaleureusement par Joël et Martine Chenet, nous allons vivre chez eux pendant tout le mois de Mars.
Joël c’est « The Chef » de Kodiak!
Grand chef de cuisine français sur la côte Est des États-Unis, ils arrivent à Kodiak en 2000 et ouvrent un café “The mill bay coffee shop”. Pendant que Martine dirige gaiement et généreusement les opérations, Joël part à la pêche ou à la chasse à l’ours qu’il cuisine en hors d’œuvre dans leur café. Maintenant les deux à la retraite, ils organisent encore un service traiteur pour la communauté de Kodiak.
Pendant notre séjour chez eux, à déguster des bons petits plats et à prendre des cours de pâtisserie, nous les aidons à trier et à déménager leurs affaires des containers.
Quand le vent se calme, nous chaussons nos skis de randonnée et emmenons leurs deux adorables toutous Vicks et Kanous au sommet des montagnes y déguster la bonne neige fraîche !
Il y a aussi ce satané virus COVID 19 qui s’intensifie dans le monde. Heureusement nous sommes revenu à Kodiak avant la fermeture des frontières. Nous avons de la chance ici car aucun cas n’est à déclarer. La situation n’est donc pas si inquiétante en comparaison avec l’Europe. Le confinement n’est pas obligatoire mais le port du masque est recommandé dans les lieux publics. Les personnes âgées doivent rester à la maison. Les écoles sont fermées, les restaurants n'offrent plus que du take away, seuls les magasins de première utilité restent ouverts. Et la navigation en Alaska n’est pas interdite!
Du coup, après avoir reçu la permission du harbourmaster de pouvoir partir et revenir au port sans devoir se mettre en quarantaine, nous décidons donc d’aller naviguer avec Morgane dans les alentours de l’île de Kodiak pour les prochains jours.
Le 1er avril 2020:
Nous retrouvons le carré de Morgane après 4 mois d’absence. Le petit chauffage de Bruce lui a permis de passer l’hiver sans condensation et sans glaçons enfin presque!
On reprend nos marques gentillement et étonnement nous nous réadaptons assez rapidement à notre espace confiné ! Quelques petits travaux s’organisent sur Morgane:
⁃ La pompe d’eau douce est changée.
⁃ L’éolienne est démontée et remontée avec des nouveaux roulements qui lui permette de tourner sans un bruit ni frottement.
⁃ Le guindeau rempli de sel est désossé et ses connecteurs nettoyés afin qu’il fonctionne à nouveau.
⁃ Notre batterie de service est remplacée par une nouvelle car (...) une surcharge de tension mal réglée l’a fait gonflée et elle était prête à exploser avant l’hiver!
Le 15 avril 2020:
Après un magnifique BBQ sur la plage de Don & Susan et les voisins réunis, nous embarquons Will, leur fils aîné sur Morgane, pour nous accompagner autour de l’île d’Afognak.
De baie en baie nous visitons tous les recoins de l’île d’Afognak en commençant par le logging camp là où la forêt est déboisée jusqu’au dernier arbre pour permettre à la communauté locale d’obtenir une ressource financière importante. Ce paysage dévasté nous laisse perplexes et songeurs quant au futur développement de l’île.
Ensuite nous visitons Kitoi bay qui abrite une des plus importantes fermes d’élevage d’œufs de saumon. Chaque année 250 millions de saumon (les 5 espèces confondues : Chinook, Coho, Chum, Pink et Sokeye) sont libérés en pleine mer avec le pronostic qu’ils reviennent sur leur lieu de naissance à l’âge adulte. L’opération est malheureusement financière. Une taxe est prélevée aux pêcheurs voulant profiter de cet afflux de poisson massif dans une zone définie par la ferme en question. Et là encore l’homme fait ses ravages. En augmentant radicalement la population de saumons, elle tue les autres espèces et détruit peu à peu la biodiversité!
Nous poursuivons notre route au nord de l’île en sachant que cette partie est préservée et les paysages sont restés inviolés.
Le 28 avril 2020:
On fait escale sur l’île de Shuyak, dernière île au nord-est de l’archipel de Kodiak où on (...) découvre une cabane et un bateau de pêche échoué sur la plage d’Andreon Bay. Nous visitons les vestiges pour essayer de connaître leur histoire ou d’en imaginer une.
Le 30 avril 2020:
Après une belle nuit au calme ancré dans la baie de Blue fox située au nord-ouest de l’île d’Afognak, nous partons explorer comme à notre habitude les alentours.
Nous escaladons comme des chèvres la face Nord du sommet qui surplombe Morgane. Là-haut après 2 heures de grimpette, on s’étend sur l’herbe, il fait chaud et une petite pétole de vent caresse notre visage. La vue à 360 degrés sur les Devils Paw et toute la chaîne de montagne qui file au sud de l’île de Kodiak nous ébahit ! On aperçoit même les hauts sommets enneigés de l’autre côté du Shelikof strait sur la péninsule de l’Alaska. Avec ces conditions de rêve, on aurait pu redescendre en parapente. . . Mais on remet ça pour une prochaine fois!
De retour sur Morgane, nous préparons une salade, une mousse de saumon fumé, vidons les trois poissons fraîchement pêchés et mettons les patates dans l’alu. Nous emportons le tout dans l’annexe pour aller sur la petite plage en face de notre mouillage, y faire un feu et y griller les poissons!
Juste avant de nous mettre à table, nous avons la curieuse visite de notre premier ours brun ! Il se dandine de l’autre côté de la rive en quête de nourriture, son museau pointé à deux centimètres du sol. Puis une odeur de bbq lui parvient dans les narines. Il lève la tête et nous regarde attentivement. Et soudain, il se met à courir à gauche légèrement dans notre direction. On croit qu’il va traverser à la nage.. mais brusquement, il s’enfuit dans les bois. OUF! Ce malheureux a eu peur de notre présence. Ce qui est plutôt rassurant!
On termine cette magnifique soirée en jouant à la pétanque sur la plage en profitant des derniers rayons de soleil avant de rentrer sur Morgane.
Cette journée restera mémorable car elle marque également notre Anniversaire de départ de Belgique avec Morgane il y a déjà trois ans!
Le 1er mai 2020:
A Paramanof bay, nous grimpons au sommet de la montagne de Ban Island pour admirer la vue.. ce soir il neige, le ciel se noircit!
Le 2 mai 2020:
Notre dernière escale à Muskomee bay, située au sud-ouest d’Afognak, offre une fois de plus la possibilité de rejoindre un sommet à pieds. Suite aux longues marches des jours précédents dans une végétation dense et épineuse, je décide de rester sur Morgane pendant que les deux mecs mettent le dingy à l’eau en quête de la montagne. Évidement aucun sentier balisé n’existe et cette randonnée est particulièrement dense en arbuste et leur donne du fil à retordre pour choisir le bon itinéraire. Soudain à 20m d’eux, un craquement de branche se fait entendre.
Ils s’arrêtent, lèvent les yeux et aperçoivent une masse brune poilue sur 4 pattes.
Les sprays au poivre sont sortis de leurs étuis au même moment d’une voix forte et grave ils saluent l’ours afin de le dissuader d’attaquer.
« Hey bear »!!
Ce dernier tourne rapidement les talons et disparaît aussitôt!
Arrivés au sommet la vue sur le lac d’Afognak et sur Morgane en contre bas est splendide au soleil couchant. Il est déjà 22h!
Le temps de lumière leur est compté et Robin décide de tenter le vol en parapente malgré les conditions de vent fort. Will le quitte et redescend aussitôt à pieds.
Tous en contact radio, la communication est facile et marrante. Les deux compères se retrouvent au bord de l’eau par des signaux de lumière et reviennent juste à temps pour le fish and chips que j’ai cuisiné. Il est 23:30 on passe à table.
Le 3 mai 2020:
Réveil matinal pour prendre le courant portant et passer à marée haute le Raspberry strait jonché de cailloux et de zone d’estrant et retourner à Anton Larsen bay pour boucler notre fabuleux tour autour de l’île d’Afognak!
Le 6 mai 2020:
Nous retournons au port de Kodiak afin de faire les derniers préparatifs avant de repartir en direction du golf de l’Alaska et espérer rejoindre la Colombie Britannique pour la fin de l’été.
Ces dix derniers jours à Kodiak sont remplis d’activités. Nous volons deux fois en parapente au dessus de la ville de Kodiak depuis la Montagne “Pillar” et atterrissons sur le parking du port à côté de Morgane sous les regards amusés des passants.
Un autre jour, notre ami Robert, nous conduit au Sud de Kodiak à Passagjak où nous réalisons un soaring en parapente de toute beauté au dessus des falaises de Fossil Beach face à l’océan Pacifique.
Le 16 mai 2020:
Le brouillard se dissipe, la journée s’annonce splendide.
Pour profiter d’un dernier moment avec nos potes de Kodiak, nous embarquons sur Morgane Robert et sa chérie Janelle pour aller pêcher le long de Long Island.
Robert a 40 ans, il est natif de Kodiak, très respectueux et le sourire facile, il est toujours prêt à partir à l’aventure!
Janelle, originaire du Kentucky, vit depuis 3 ans à Kodiak. Belle demoiselle d’une trentaine d’année, elle est d’une explosivité réjouissante. Son côté de dire oui à tout l’embarque dans un tas de différents projets sur l’île l’occupant à 200%.!
Nous les avons rencontrés à la Brewery (cave à bière) en octobre dernier .. et depuis nous avons partagé des randonnées à ski, des bons dîners et des parties de racket ball transpirantes! On espère les revoir plus au sud!
Le 17 mai 2020:
Après les au revoir à notre voisin de ponton et à Joël et Martine sur le quai, Robert est à nouveau de la partie et nous accompagne sur Morgane en direction de Anton Larsen par cette magnifique journée ensoleillée. En route, nous nous arrêtons pour pêcher juste après la passe d’Ouzinkie où Robin nous remonte tranquillement mais sûrement un halibut d’1m20, autant vous dire un monstre!!
Quelques milles plus loin, nous nous arrêtons à notre spot préféré pour pêcher 6 black bass (grosses perches noires).
Nous trinquons avec du Prosecco à cette fabuleuse journée et sommes salués depuis les airs par Will à bord de son hydravion à notre entrée dans la baie de Anton Larsen où nous mouillons une dernière fois juste en face de Midge et Bruce.
Le sentiment d’avoir intégré la communauté de Kodiak est réel. Ici nous nous sentons comme à la maison! Et nous souhaitons remercier de tout cœur toutes les personnes que nous avons eu la chance de côtoyer pendant notre séjour sur cette magnifique île.
Si un mot devait être mentionné pour définir la communauté de Kodiak ce serait : L’ENTRAIDE
Avant de nous mettre en route pour la péninsule de Kenai et après la visite de Will en kayak, nous profitons d’une petite accalmie pour nous rendre une dernière fois chez nos très chers adorés Bruce et Midge et dire au revoir à la petite cabane sur la plage où nous avons vécu pendant 3 mois cet hiver.
Midge nous a préparé deux cartons remplis de bonnes choses. Il y a un gâteau au chocolat spécialement préparé pour Robin, un gâteau aux raisins et cannelle, des boules de popcorn sucrées pour effrayer les lions de mer, des œufs frais de nos poules préférées, des feuilles d’épinard, deux côtelettes de biche, une bouteille de vin de fruit rouge et une bouteille de bière aromatisée aux feuilles de Canabis que Bruce a distillée cet hiver! Ils nous ont aussi offert un gros pot rempli d’herbes aromatiques de leur jardin. En plus de tout ça, Janette nous a fait des biscuits aux pépites de chocolat et une tarte au citron juste divine! Et Susan et Don nous ont donné une quinzaine de boîtes de King Salmon qu’ils pêchent chaque été! Bref les armoires de Morgane débordent de nourriture, nous sommes gâtés et tellement touchés par toute cette générosité! Heureusement que le COVID oblige la distance sociale de 6 pieds .. cela rend la séparation moins émouvante !
7 mois de vie à Kodiak ne nous laissent pas indifférents surtout quand on a eu la chance de partager la vie exceptionnelle de ses habitants et pas n’importe lesquels. Et de s’imaginer vivre cette vie pour toujours!
Petit retour en arrière...
Le 9 octobre 2019:
Radio on Chanel 16...
> harbourmaster, harbourmaster, harbourmaster, this is Morgane. Do you copy?
> hello Morgane, please switch to Chanel 12.
> here we are! Can we dock in?
> what is your length and draft?
> 34 feet long and 4 feet draft we are on a sail boat.
> ok go to A40. I will be there to help you.
Voici comment notre arrivée au port de Kodiak a débuté. Le lendemain matin nous passons au bureau du port où les charmantes dames qui y travaillent nous accueillent chaleureusement et nous dégotent une autre place afin de nous permettre de rester au St Paul Harbour pendant une semaine. Et elles nous suggèrent d’ailleurs de rester ici tout l’hiver!
Kodiak
Si Kodiak désigne à la fois un archipel, une île, une ville, un crabe et un ours, c’est avant tout un condensé de ce que le 49ème des Etats Unis offre de meilleur !!!
Kodiak est aussi l’Île Emeraude d’Alaska, très connue pour sa pluie, ses ours et ses pêches miraculeuses. La seconde plus grande île des Etats-Unis après Hawaï donna son nom à l’archipel. Avec 160 km de long et une largeur variant entre 16 et 96 km, on peut s’y promener longtemps sans croiser personne.
Les Amérindiens Alutiiques, présents sur Kodiak depuis 7 500 ans, vénéraient la force et la ruse des ours. Ils utilisaient leurs sentiers pour circuler à l’intérieur des terres et comptaient sur eux pour survivre. Cette interaction fut bien sûr bouleversée par l’arrivée en 1763 des premiers Européens, des Russes chasseurs et négociants en fourrure. Ceux-ci fondèrent la ville de Kodiak, capitale de l’Amérique russe de 1792 à 1799. Le patrimoine rappelant cette époque est soigneusement mis en valeur. L’office orthodoxe est toujours pratiqué dans l’église couronnée de bulbes bleus, reconstruite il y a quelques décennies.
Aujourd’hui l'île de Kodiak compte 13.000 habitants. Ils viennent faire leurs courses à Safeway Walmart, Cost Saver et Spinard, en grosse jeep 4x4 pour les citadains, en bateau pour ceux qui habitent sur les îles environnantes et en hydravion pour les plus éloignés.
Le 27 mars 1964, la ville fut très gravement touchée par le tremblement de terre du vendredi saint (Good Friday earthquake), le second plus puissant tremblement de terre jamais enregistré en Amérique et par le raz de marée et les incendies qu’il provoqua.
On espère que dame nature va se tenir tranquille pendant notre séjour dans le plus grand port de pêche d’Alaska!!
Car ici nous prenons le temps de bien nous reposer, de digérer nos longues et tumultueuses navigations du passage du Nord-Ouest, de reprendre contact avec la civilisation et goût avec les grands magasins et d’attendre l’arrivée de Bastian.
Bastian c’est un ami suisse de Robin qui vit depuis 5 ans sur l’île de Vancouver où il exerce son métier de pilote d’hélicoptère.
Le 15 octobre 2019:
Il embarque sur Morgane avec 3 paddle boards! Après avoir fait connaissance et être passé au liquor store, notre escapade autour de l’île de Kodiak peut débuter!
Un temps magnifique va nous permettre pendant 10 jours de visiter et mouiller Morgane dans chaque baie située du côté Est de l’île d’Afognak. A chaque atterrissage, nous sautons sur nos paddles respectifs pour découvrir les alentours, faire connaissance avec la civilisation locale et remonter les rivières pour pêcher du saumon. D’ailleurs, Robin ne tardera pas à nous ramener un beau silver salmon remplis d’œufs qu’il pêche perché du haut de son paddle!
À terre nous marchons sur une végétation luxuriante, relevons des empreintes de pas d’ours et des milliers de crottes de biche et de lapins. Nous suivons les sentiers des animaux. Le sol et les sapins sont recouverts d’une épaisse mousse verte. A certains endroits il y a des tonnes de champignons, des bolets et des pieds-de- mouton monstrueux et des tapis de chanterelles à trompette sous les petits arbustes garnis de myrtilles. On se croit vraiment aux pays des merveilles! Le plus dommage ou le plus fantastique c’est que nous devons nous résigner à récolter les quantités adéquates journalières pour nourrir trois personnes et pas une de plus car nous ne sommes pas encore équipés pour faire des conserves!
Bastian ne manque pas un instant pour faire voler son drone afin de capturer les moments magiques de nos journées. Et ce ne sont même pas les moments de stress intense au décollage et à l’atterrissage sur le pont du bateau qui l’empêchent de poursuivre ses clichés!
Le 21 octobre 2019:
De retour sur l’île de Kodiak nous mouillons dans la baie d'Anton Larsen située au nord-ouest du port de Kodiak.
Une route en terre de 30 km permet de relier la baie à la ville en passant par un col.
N’ayant plus de réseau téléphonique depuis 1 semaine, nous décidons de rejoindre le col à 11 km à pied en espérant capter du réseau pour connaître la météo des prochains jours.
Nous rentrons juste avant la tombée de la nuit et sommes véhiculés pour les 5 derniers kilomètres par Janette et Joy,son Labrador.
Cette rencontre avec Janette va chambouler tous nos plans!
Entrevue brève mais insolite, Janette nous propose de rendre visite à Midge et Bruce qui habitent juste en face de notre mouillage.
Le lendemain matin c’est à bord de nos paddles que nous partons à la rencontre du couple.
Accueilli par Bruce, un homme d’âge mûr au sourire étincelant, nous débarquons sur la plage où une petite cabine en bois repose sur 4 pilotis. S’ensuit alors la visite d’un havre de paix hors du commun et d’une pizza party faite maison!
Bruce, biologiste, a gagné son pain grâce à la pêche. Natif de Kodiak, il découvre l’île d’Anton Larsen en 1980 et construit de cabane en cabane, un lieu simple, accueillant et surtout autonome à tous points de vue.
Sa femme Midge, une anglaise émigrée illégalement aux États-Unis, va faire sa place durant ses premières années en Alaska à bord d’un bateau de pêche dans la baie de Bristol comme cuisinière clandestine. Puis elle rencontre et partage la saison de pêche au saumon avec Janette et finalement plante sa tente à côté de la propriété de Bruce qui lui permet de rester vivre sur Anton et lui propose de cultiver des patates. Depuis,les années ont passé, ils se sont mariés,ont eu beaucoup de poules, planté beaucoup de légumes et coupé beaucoup de bois!
En effet, pour vivre en autarcie comme ils le font, le travail est de rigueur. Et nous ne savons pas encore que nous allons vivre à leurs côtés et nous fondre dans leur rythme de vie quotidien alaskien durant les trois prochains mois.
Avant que Bastian ne retourne à ses obligations de pilote, nous profitons des derniers jours en sa compagnie et d’un magnifique temps pour monter au sommet de la montagne “Pyramid”. Avec Robin nous redescendons en parapente pendant que Bastian nous filme avec son drone et nous rejoint à pieds. (voir video Num 25)
A la fois admiratif et dégoûté de nous voir voler, il décide ce jour-là qu’il va apprendre à voler en parapente! Deux mois plus tard son souhait se réalise en Suisse et il revient au Canada avec le parapente du frère de Robin sous le bras !
Lever le pied après tant de mille parcourus cette année nous a demandé un temps d adaptation. Mais grâce aux habitants de cette région du monde qui nous ont accueillis les bras ouvert, comme de nouveaux parents adoptifs, il est à présent difficile de les quitter précipitamment.
Alors nous décidons de rester vivre cet hiver à Kodiak.
Nous passons un magnifique mois de novembre à dormir dans Morgane mouillée dans la baie bien protégée d’Anton Larsen et nos journées à terre pour donner des coups de main à Bruce et Midge et de temps en temps à Janette.
Au programme :
⁃ Pêche aux halibuts (flétan) à bord de leur skiff
⁃ Collecte de tronc d’arbres échoués sur les plages
⁃ Récolte de légumes du jardin
⁃ Coupe de bois pour la construction d’une serre et pour se chauffer
⁃ Récolte d’algues à marée basse pour le compost
⁃ Récolte de champignons (cette fois-ci à la tonne pour en faire des conserves!)
⁃ Fabrication de vin de fruit rouge maison
⁃ Fabrication d’huile de CBD
⁃ Chasse au gibier
⁃ Construction d’un paravent en latte de bois autour du four à pizza.
⁃ Tannage de peau de biche
⁃ Triage de graines de légumes pendant que Midge nous prépare un festin dînatoire..
⁃ Transpirer jusqu’à l’os et se laver dans le Bagna russe (Hamam) une fois par semaine
Bref autant vous dire que notre vie à terre nous fait vite oublier par où nous sommes passés! On ne s’ennuie pas une seconde !
Pendant notre séjour sur Anton, nous avons aussi la chance de rencontrer ses autres habitants :
À côté de Bruce et Midge il y a notre Janette, la doyenne de l’île. Elle est discrète mais elle a l’oreille attentive et ne rate rien de la conversation. Entêtée et autonome, il est difficile pour elle d’accepter l’aide d’autrui sachant qu’elle n'a toujours compté que sur elle même. Janette a construit sa maison octogonale de ses propres mains. Elle a bravé la mer de Béring pour la pêche au saumon, vécu dans une tente sur la banquise alaskienne. Et n’est jamais retournée vivre au Minnesota! Elle aussi est tombée amoureuse du Nord et a décidé de résider pour toujours en Alaska.
Ses voisins sont Don et Susan Dumm. Lui pêcheur et elle biologiste : ils gagnent leur vie grâce à la pêche au saumon en été et Don installe des panneaux solaires en hiver. Ils ont aussi construit leur maison par leurs propres mains. Ils ont deux fils Will et Wesley qui étudient dans le Montana.
En face de la rive habitent Andy et Petrina, originaires et natifs de Kodiak : ils cultivent aussi leurs propres légumes et font du vin de fruit rouge maison délicieux.
Le 5 novembre 2019:
Pour les 30 ans de Robin une surprise l’attend.. Nous lui demandons d’aller relever le panier à crabe que Bruce a déposé la veille dans la baie. C'est avec un énorme étonnement qu’il y découvre deux monstrueux crabes royaux de 50cm de diamètre chacun. Suite à l’expression trop joyeuse de Bruce “Big ones!” Robin éclate de rire et s’aperçoit de la supercherie d’avoir attrapé des « king crabe » dans un panier à crevette!
Le 1er décembre 2019:
La baie commence à geler. Il est temps de mettre Morgane en sécurité. Nous décidons alors de l’amarrer au port de Kodiak pendant que nous prenons nos quartiers dans la petite cabane sur la plage pendant les deux prochains mois.
La neige commence à bien tomber et nous permet de skier à peu près tous les sommets du nord de l’île de Kodiak.
On en profite aussi pour rendre de temps en temps visite à notre chère Morgane quand le col est accessible en voiture et nous permet de rouler jusqu’au port.
On est stupéfait de voir Morgane déneigée. Nous nous dirigeons vers le MC DO, où le wifi gratuit est le plus rapide de la ville, pour apprendre que c’est Judi Kidder et son mari Dave qui nous ont aimablement et spontanément déblayé le pont sans même que nous le demandions!
Le 28 décembre 2019:
Nous débutons la construction d’un “rocket mass heater” - chauffage à bois périphérique (voir les photos de l’album Kodiak) pour le potting shed de Midge (sa cabane à pot de fleur).
Sous sa direction, nous commençons à construire une cinquantaine de briques réfractaires pouvant résister à des températures de plus de 1000 degrés et qui serviront de tunnel et chambre de combustion. L’entreposage de deux barils trouvés à la déchèterie permet le retour de l’air chaud dans la canalisation et enfin la récolte de beuse (bouse) de vache sur la route de Pasagshak nous permet de finaliser la maçonnerie et le shape final du chauffage. Cette construction est un vrai chef d’œuvre!!! Et il fonctionne divinement!!
On est engagé aussi pour repeindre le dessous du skiff de Janette qui s’est retrouver échoué sur les cailloux pendant la tempête. Heureusement Bruce a pu le sauver à temps et avec le travail de soudure d’Andy, il a ressuscité! C’est important d’avoir un bateau quand on habite sur une île afin ne pas dépendre des autres pour se nourrir et se déplacer et par dessus tout pour se sentir libre!
Le 29 janvier 2020:
C’est sous la tempête de neige que notre avion décolle de justesse de Kodiak. Nous faisons une escale de deux jours à Anchorage où nous revoyons notre ami Adam que nous avions rencontré à Sand Point. Il nous a rejoint depuis Homer et nous propose de nous conduire en direction de Seward pour visiter le coin. Nous passons par la fameuse station de ski Alyeaska où le décor est juste sensationnel. Des tonnes de neige ont plâtré tous les sapins! Tout est blanc et il continue de neiger! Ah dommage que nos skis soient restés à Kodiak..
Nous passons tout le mois de février en Suisse à pouponner ma nouvelle nièce fraîchement née, à manger des tartines de parfait avec Evan au petit déjeuner, à profiter de nos familles et de nos amis, à attraper la grippe, à faire notre premier biplace ensemble en parapente, à luger et skier le temps d’un week-end .. et nous voilà déjà de retour à Kodiak.
Accueillis chaleureusement par Joël et Martine Chenet, nous allons vivre chez eux pendant tout le mois de Mars.
Joël c’est « The Chef » de Kodiak!
Grand chef de cuisine français sur la côte Est des États-Unis, ils arrivent à Kodiak en 2000 et ouvrent un café “The mill bay coffee shop”. Pendant que Martine dirige gaiement et généreusement les opérations, Joël part à la pêche ou à la chasse à l’ours qu’il cuisine en hors d’œuvre dans leur café. Maintenant les deux à la retraite, ils organisent encore un service traiteur pour la communauté de Kodiak.
Pendant notre séjour chez eux, à déguster des bons petits plats et à prendre des cours de pâtisserie, nous les aidons à trier et à déménager leurs affaires des containers.
Quand le vent se calme, nous chaussons nos skis de randonnée et emmenons leurs deux adorables toutous Vicks et Kanous au sommet des montagnes y déguster la bonne neige fraîche !
Il y a aussi ce satané virus COVID 19 qui s’intensifie dans le monde. Heureusement nous sommes revenu à Kodiak avant la fermeture des frontières. Nous avons de la chance ici car aucun cas n’est à déclarer. La situation n’est donc pas si inquiétante en comparaison avec l’Europe. Le confinement n’est pas obligatoire mais le port du masque est recommandé dans les lieux publics. Les personnes âgées doivent rester à la maison. Les écoles sont fermées, les restaurants n'offrent plus que du take away, seuls les magasins de première utilité restent ouverts. Et la navigation en Alaska n’est pas interdite!
Du coup, après avoir reçu la permission du harbourmaster de pouvoir partir et revenir au port sans devoir se mettre en quarantaine, nous décidons donc d’aller naviguer avec Morgane dans les alentours de l’île de Kodiak pour les prochains jours.
Le 1er avril 2020:
Nous retrouvons le carré de Morgane après 4 mois d’absence. Le petit chauffage de Bruce lui a permis de passer l’hiver sans condensation et sans glaçons enfin presque!
On reprend nos marques gentillement et étonnement nous nous réadaptons assez rapidement à notre espace confiné ! Quelques petits travaux s’organisent sur Morgane:
⁃ La pompe d’eau douce est changée.
⁃ L’éolienne est démontée et remontée avec des nouveaux roulements qui lui permette de tourner sans un bruit ni frottement.
⁃ Le guindeau rempli de sel est désossé et ses connecteurs nettoyés afin qu’il fonctionne à nouveau.
⁃ Notre batterie de service est remplacée par une nouvelle car (...) une surcharge de tension mal réglée l’a fait gonflée et elle était prête à exploser avant l’hiver!
Le 15 avril 2020:
Après un magnifique BBQ sur la plage de Don & Susan et les voisins réunis, nous embarquons Will, leur fils aîné sur Morgane, pour nous accompagner autour de l’île d’Afognak.
De baie en baie nous visitons tous les recoins de l’île d’Afognak en commençant par le logging camp là où la forêt est déboisée jusqu’au dernier arbre pour permettre à la communauté locale d’obtenir une ressource financière importante. Ce paysage dévasté nous laisse perplexes et songeurs quant au futur développement de l’île.
Ensuite nous visitons Kitoi bay qui abrite une des plus importantes fermes d’élevage d’œufs de saumon. Chaque année 250 millions de saumon (les 5 espèces confondues : Chinook, Coho, Chum, Pink et Sokeye) sont libérés en pleine mer avec le pronostic qu’ils reviennent sur leur lieu de naissance à l’âge adulte. L’opération est malheureusement financière. Une taxe est prélevée aux pêcheurs voulant profiter de cet afflux de poisson massif dans une zone définie par la ferme en question. Et là encore l’homme fait ses ravages. En augmentant radicalement la population de saumons, elle tue les autres espèces et détruit peu à peu la biodiversité!
Nous poursuivons notre route au nord de l’île en sachant que cette partie est préservée et les paysages sont restés inviolés.
Le 28 avril 2020:
On fait escale sur l’île de Shuyak, dernière île au nord-est de l’archipel de Kodiak où on (...) découvre une cabane et un bateau de pêche échoué sur la plage d’Andreon Bay. Nous visitons les vestiges pour essayer de connaître leur histoire ou d’en imaginer une.
Le 30 avril 2020:
Après une belle nuit au calme ancré dans la baie de Blue fox située au nord-ouest de l’île d’Afognak, nous partons explorer comme à notre habitude les alentours.
Nous escaladons comme des chèvres la face Nord du sommet qui surplombe Morgane. Là-haut après 2 heures de grimpette, on s’étend sur l’herbe, il fait chaud et une petite pétole de vent caresse notre visage. La vue à 360 degrés sur les Devils Paw et toute la chaîne de montagne qui file au sud de l’île de Kodiak nous ébahit ! On aperçoit même les hauts sommets enneigés de l’autre côté du Shelikof strait sur la péninsule de l’Alaska. Avec ces conditions de rêve, on aurait pu redescendre en parapente. . . Mais on remet ça pour une prochaine fois!
De retour sur Morgane, nous préparons une salade, une mousse de saumon fumé, vidons les trois poissons fraîchement pêchés et mettons les patates dans l’alu. Nous emportons le tout dans l’annexe pour aller sur la petite plage en face de notre mouillage, y faire un feu et y griller les poissons!
Juste avant de nous mettre à table, nous avons la curieuse visite de notre premier ours brun ! Il se dandine de l’autre côté de la rive en quête de nourriture, son museau pointé à deux centimètres du sol. Puis une odeur de bbq lui parvient dans les narines. Il lève la tête et nous regarde attentivement. Et soudain, il se met à courir à gauche légèrement dans notre direction. On croit qu’il va traverser à la nage.. mais brusquement, il s’enfuit dans les bois. OUF! Ce malheureux a eu peur de notre présence. Ce qui est plutôt rassurant!
On termine cette magnifique soirée en jouant à la pétanque sur la plage en profitant des derniers rayons de soleil avant de rentrer sur Morgane.
Cette journée restera mémorable car elle marque également notre Anniversaire de départ de Belgique avec Morgane il y a déjà trois ans!
Le 1er mai 2020:
A Paramanof bay, nous grimpons au sommet de la montagne de Ban Island pour admirer la vue.. ce soir il neige, le ciel se noircit!
Le 2 mai 2020:
Notre dernière escale à Muskomee bay, située au sud-ouest d’Afognak, offre une fois de plus la possibilité de rejoindre un sommet à pieds. Suite aux longues marches des jours précédents dans une végétation dense et épineuse, je décide de rester sur Morgane pendant que les deux mecs mettent le dingy à l’eau en quête de la montagne. Évidement aucun sentier balisé n’existe et cette randonnée est particulièrement dense en arbuste et leur donne du fil à retordre pour choisir le bon itinéraire. Soudain à 20m d’eux, un craquement de branche se fait entendre.
Ils s’arrêtent, lèvent les yeux et aperçoivent une masse brune poilue sur 4 pattes.
Les sprays au poivre sont sortis de leurs étuis au même moment d’une voix forte et grave ils saluent l’ours afin de le dissuader d’attaquer.
« Hey bear »!!
Ce dernier tourne rapidement les talons et disparaît aussitôt!
Arrivés au sommet la vue sur le lac d’Afognak et sur Morgane en contre bas est splendide au soleil couchant. Il est déjà 22h!
Le temps de lumière leur est compté et Robin décide de tenter le vol en parapente malgré les conditions de vent fort. Will le quitte et redescend aussitôt à pieds.
Tous en contact radio, la communication est facile et marrante. Les deux compères se retrouvent au bord de l’eau par des signaux de lumière et reviennent juste à temps pour le fish and chips que j’ai cuisiné. Il est 23:30 on passe à table.
Le 3 mai 2020:
Réveil matinal pour prendre le courant portant et passer à marée haute le Raspberry strait jonché de cailloux et de zone d’estrant et retourner à Anton Larsen bay pour boucler notre fabuleux tour autour de l’île d’Afognak!
Le 6 mai 2020:
Nous retournons au port de Kodiak afin de faire les derniers préparatifs avant de repartir en direction du golf de l’Alaska et espérer rejoindre la Colombie Britannique pour la fin de l’été.
Ces dix derniers jours à Kodiak sont remplis d’activités. Nous volons deux fois en parapente au dessus de la ville de Kodiak depuis la Montagne “Pillar” et atterrissons sur le parking du port à côté de Morgane sous les regards amusés des passants.
Un autre jour, notre ami Robert, nous conduit au Sud de Kodiak à Passagjak où nous réalisons un soaring en parapente de toute beauté au dessus des falaises de Fossil Beach face à l’océan Pacifique.
Le 16 mai 2020:
Le brouillard se dissipe, la journée s’annonce splendide.
Pour profiter d’un dernier moment avec nos potes de Kodiak, nous embarquons sur Morgane Robert et sa chérie Janelle pour aller pêcher le long de Long Island.
Robert a 40 ans, il est natif de Kodiak, très respectueux et le sourire facile, il est toujours prêt à partir à l’aventure!
Janelle, originaire du Kentucky, vit depuis 3 ans à Kodiak. Belle demoiselle d’une trentaine d’année, elle est d’une explosivité réjouissante. Son côté de dire oui à tout l’embarque dans un tas de différents projets sur l’île l’occupant à 200%.!
Nous les avons rencontrés à la Brewery (cave à bière) en octobre dernier .. et depuis nous avons partagé des randonnées à ski, des bons dîners et des parties de racket ball transpirantes! On espère les revoir plus au sud!
Le 17 mai 2020:
Après les au revoir à notre voisin de ponton et à Joël et Martine sur le quai, Robert est à nouveau de la partie et nous accompagne sur Morgane en direction de Anton Larsen par cette magnifique journée ensoleillée. En route, nous nous arrêtons pour pêcher juste après la passe d’Ouzinkie où Robin nous remonte tranquillement mais sûrement un halibut d’1m20, autant vous dire un monstre!!
Quelques milles plus loin, nous nous arrêtons à notre spot préféré pour pêcher 6 black bass (grosses perches noires).
Nous trinquons avec du Prosecco à cette fabuleuse journée et sommes salués depuis les airs par Will à bord de son hydravion à notre entrée dans la baie de Anton Larsen où nous mouillons une dernière fois juste en face de Midge et Bruce.
Le sentiment d’avoir intégré la communauté de Kodiak est réel. Ici nous nous sentons comme à la maison! Et nous souhaitons remercier de tout cœur toutes les personnes que nous avons eu la chance de côtoyer pendant notre séjour sur cette magnifique île.
Si un mot devait être mentionné pour définir la communauté de Kodiak ce serait : L’ENTRAIDE