AOÛT 2018
De Disko Bay à Upernavik et traversée de la mer de Baffin pour rejoindre Canada-Nunavut
Qeqertarsuaq (ou Godhavn) est la seule ville de l'île de Disko. Nous profitons d'y faire escale une nuit pour refaire le plein de diesel au ponton (un luxe), un petit check internet, cette fois-ci payant à l'hôtel Disko, acheter des bières au supermarché et aller se dégourdir les jambes sur la plage de sable noir. Au retour de notre promenade, une surprise inédite nous attend: la récolte de 4 kilos de cèpes et 6 morilles en 30 minutes sur la toundra surplombant le terrain de foot synthétique où s'affrontent plusieurs équipes féminines en tournoi national avec comme arrière plan une baie remplie d'Icebergs! Tout simplement irréel!
On retourne vite fait à bord de Morgane pour se cuisiner une bonne croûte aux champignons avant d'aller s'allonger au calme, enfin, sans le bruit du moteur!
Au matin du 1er août, nous célébrons notre fête nationale à bord de Morgane. Comme nous ne pouvons malheureusement pas rejoindre Illulissat, encore trop bouché par la banquise, nous contournons l'île Disko par l'est, 70MN de détour pour rejoindre Upernavik Kujalleq. Pendant cette navigation au moteur, sous un ciel couvert, nous refaisons le plein d'énergie tout de même. En effet, cette baie de Disko abrite le seul gisement au monde de fer tellurique! Cette zone est spéciale! Elle est chargée d'ondes mais aussi de géants de glace d'eau douce!
"L'iceberg est insaisissable. Il remplit notre champ de vision et se dérobe à nos regards. Il est partout et nous n'en percevons qu'une infime partie. Pudique, il cache l'essentiel de sa masse sous sa ligne de flottaison. L'iceberg est classifiable et nomenclaturé. On le nomme bourguignon quand il est minuscule, sarrasin s'il est émietté. Il est tabulaire, trapu, érodé, biseauté, en dôme ou en pinacle. L'iceberg peut être d'une platitude confondante, criblé de trous, percé comme un tunnel. Tour à tour abrupt, surplombant, skiable, stratifié, luisant ou dégoulinant. On distingue des icebergs en marche. Des titanesques et des pygmées. Des vieux comme Hérode, des bébés de l'année, à peine érodés. Des immaculés, des acnéiques, des vitreux, des noirs, des bicolores. Certains sont zébrés de résidus terreux ou striés de sable, d'autres baignent dans des reflets turquoises. L'iceberg, comme le nuage, s'offre au contemplatif qui y décèle ce que son imagination décide." Merci à Julien Blanc Gras pour cette magnifique citation.
Nous arrivons à 5 heures du mat le 3 août à Upernavik Kujalleq où nous jetons l'ancre au fond de la baie tout près de la plage. Vers 8h, un pêcheur nous aborde et nous explique comme il le peut avec ses quelques mots d'anglais que nous devons contacter au plus vite Royal Artic. Il nous met en relation avec eux 2 min plus tard et passe le téléphone à Robin. Nous apprenons que nous sommes recherchés??!!
Ne nous voyant plus sur notre traceur spot GPS, les parents de Robin ont eu peur que nous ayons coulé et ont appelé les secours à notre rescousse!
Après confirmation aux gardes côtes de notre statut "tout va super bien", on se dépêche de regagner le bord pour aller envoyer un mail depuis la maison communale afin de rassurer Irma et Francois. Lors de notre visite du village aux maisons joliment colorées, on voit de plus près l'envers du décor. Des détritus un peu partout, des cadavres de phoques qui attendent leur dépeçage, une peau d'ours polaire suspendue à l'étendage à côté des t-shirt et culottes fraîchement lavés. Des chiens groenlandais enchaînés à même le sol terreux. Ils sont considérés comme des bêtes de somme ici au Groenland, pas comme des animaux de compagnie. Et ça nous fait mal au coeur de les voir dans ces conditions de vie... vous ne pouvez pas vous imaginez! Même les petits chiots sont livrés à eux même à déchiqueter un reste de mâchoire de Narval ou autre mammifère marin. Cependant, les habitants sont adorables et curieux de converser avec nous. Bon faut dire qu'avec le coup des coast guard .. on passe pas inaperçu ! Du coup, sans trop de gêne je leur demande où il est possible de se doucher? C'est là que Paulus, un pêcheur se désigne et nous emmène chez lui! C'est aussi l'occasion de prendre un cours de langue inuit avec sa famille.
On ne tarde pas trop car la dépression est à deux virages de notre mouillage et ça va bastonner ce soir! Paulus nous reconduit avec son hors-bord auprès de Morgane et nous l'invitons à boire un café à l'intérieur. Cependant, la barrière de la langue met vite fin à notre sympathique rencontre.
Morgane commence son rodéo vers 21h! On veille presque toute la nuit en espérant ne pas déraper! Mais le vent tourne et se calme vers 3 h du matin. C'est quand même décidé, on achète un deuxième mouillage!
Samedi 4 août: nous appareillons vers 9:30 et continuons notre route au Nord en direction d'Upernavik. Le temps qui s'améliore nous motive à nous arrêter en chemin dans un mouillage de rêve! Tassuisaq, niché au fond d'une vallée glacière, nous sommes seuls entouré de roche et de falaise rougeâtre! Pendant que Robin et Patrick nous pêchent 3 cabillauds et se font dévorer par des millions de moustiques en les vidant, je sors toutes les couchettes à l'extérieur sur le pont pour une séance séchage rapide! Désolation totale, nous ne pouvons même pas rester dehors pour savourer notre apéro tellement il y a de moustiques ! Le lendemain matin, nous profitons avec Robin de cette deuxième magnifique journée pour aller faire un petit vol en parapente. Décollage sauvage au milieu des cailloux pour atterrir 5 min plus tard à côté de Morgane et Patrick avec the mega smile!!! Au moment de remonter l'ancre, notre guindeau a rendu l'âme!!? Heureusement, le plan d'eau est d'huile!
A notre arrivée à Upernavik, Robin et Patrick trouve la panne du guindeau: c'est le relais qui ne fonctionne pas bien. Après l'avoir démonté et secoué, il repart! Grosse interrogation!??
Lundi 6 août: avant la pluie annoncée pour l'après-midi, on s'empresse de faire des aller-retour au puit d'eau douce pour remplir les réservoirs. Quelques minutes plus tard, du haut du ponton, un camion citerne nous passe un tuyau pour le plein de diesel. Encore un petit luxe! Et voilà que le mauvais temps arrive! Et la valse de Morgane a débuté! Toutes les amarres sont de sortie pour nous dégager au mieux du ponton. Nous expérimentons illico presto notre deuxième mouillage fraîchement acheté!
Debout en fanfare après une nuit agitée! Nous devons faire place à un cargo! Mais non,?! On venait enfin de s'endormir ! Départ donc au mouillage un peu sketchy! Anorakée, je pars à terre avec Patrick et sa lessive pour consulter internet, prendre la météo et l'état des glaces. De retour au bateau, j'annonce pendant le déjeuner la bonne nouvelle: nous pouvons faire une route presque directe sur Pond Inlet au Canada, la banquise s'est ouverte! Robin nous cuisine une bonne saucisse à rôtir et pendant la digestion nous décidons en coeur de lever l'ancre malgré le temps pourri et de partir pour la traversée de la mer de Baffin. Allez, ciao Groenland! À bientôt! Car on reviendra te planter des arbres et te visiter plus longuement!
Mercredi 8 août: toujours au moteur et dans une brume accompagnée de crachin breton, nous contournons le pack de glace par le Nord. On aperçoit au loin la banquise. La température de l'air avoisine les 5 degrés maximum. Plus souvent négative pendant la nuit. Enfin le jour/nuit! Car il ne fait jamais nuit en été!
Au matin du jeudi 9 août plus de girouette électronique, les cordages et le pont sont gelés! Ça caille un max!! À l'intérieur du bateau,on frôle les 6 degrés.
La température de l'eau est quant à elle proche du zéro. L'effet de condensation est à son apogée! Morgane sue, déperle! Ça coule le long des boiseries et dans les coffres, c'est le hamam mais sans la chaleur. Tout est humide, moite et froid. Le carré reste encore agréable pendant que la cuisinière et le chauffage sont allumés et grâce au papier film que nous avons plaqué contre les hublots, une isolation à la Mcgiver qui fonctionne du tonnerre! Mais la seule véritable pièce qui vaut la peine d'y rester des heures durant sont les toilettes, chauffées grâce au boiler et moteur qui tourne sans arrêt depuis 3 jours. Vous imaginez bien que c'est devenu mon petit refuge!!! Quand je ne suis pas meurtrie au fond de mon sac de couchage à récupérer des heures de sommeil volées .. C'est aussi là que nos vestes et chaussettes trempées ont juste le temps de sécher pour le prochain quart.
Les quarts, parlons-en! Après 3 jours de freestyle, c'est à dire quand tu es fatiguée ou juste avant de te transformer en glaçon, tu demandes à quelqu'un de venir te remplacer à la barre sur le pont, Patrick, nous propose de se tenir à des quarts plus réguliers. Deux heures chacun maximum à la barre ou à la veille si c'est Gustave aux commandes.
Nous voici donc en mode régate: manger, dormir, barrer .. scruter l'horizon, rester vigilant pour éviter de taper dans un growler, petit bébé de maman iceberg, qui peut être vicieux, dévastateur !
Pendant cette traversée du tonnerre, terminés les beaux moments de détente sur le pont au soleil à lire un bouquin, apprécier le magnifique paysage montagneux ou admirer les gestes gracieux des baleines et même discuter tous ensemble. La traversée sur le Canada c'est sport intense et en fait pas très drôle du tout. Le peu de visibilité nous oblige à rester sur le pont en permanence. Et je vous dit pas quel courage et bonne volonté il faut pour se hisser hors d'un sac de couchage bien chaud et douillet, où il a fallu 1 heure de préchauffage pour se dégeler les pieds et seulement 2 à 3 heures de sommeil plutôt agité et partiel. Enfin, tu espères qu'on t'ait oublié.. Eh bien non! C'est à ton tour de monter sur le pont et te les cailler!
Mais avant :mission habillage: Il te faut au moins 7 minutes pour enfiler les 4 voir 5 couches qui vont te protéger tout juste pendant 2 heures du froid humide et glacial qui règne à cette latitude de 73 degrés Nord. Franchement, je me demande comment tous ces oiseaux supportent ces conditions de malade. Et ces fous, ils n' hésitent pas une seconde à plonger la tête dans l'eau comme pour se rafraîchir! Ah!!! Ce que j'aimerais être un guillermot, là, maintenant !
Ensuite il y a les sueurs froides.. je dirais même glaciales quand tu t'aperçois que la carte des glaces n'est pas correcte et que là ,devant le bateau, à 50 mètres c'est tout blanc. Il n'y a plus d'eau! C'est le pack de glace, la banquise qui simplement s'est déplacée de quelques degrés et pas dans le bon sens! Infranchissable!
À moins d'être à bord d'un cargo doté d'un brise -glace! Même la bonne et robuste coque en acier de Morgane est incapable de se frayer un chemin à travers cette épaisse couche de glace flottante.
Donc c'est parti pour un petit détour au matin du samedi 11 août après avoir atteint le 74° degré Nord dans le détroit de Lancaster, nous entamons une partie de cache cache dans un brouillard à couper au couteau pour trouver un éventuel passage à travers le pack et s'enfiler dans le fjord qui relie Arctic Bay.
Une miraculeuse éclaircie de 20 petites minutes nous dévoile un paysage tragique et fabuleux à la fois! Et surtout nous montre enfin la sortie! La fameuse voie libre de glace que nous cherchons depuis 10MN! Champagne !! Enfin non, ça sera bière pour le coup! Mais pas tout de suite! Encore 75 MN pour atteindre notre point de ravitaillement.
Dimanche 13 août 7h, nous ancrons Morgane dans une jolie anse face à Arctic Bay à côté d'un voilier jaune et nous dormons jusqu'à midi!
Ah quelle traversée de malade! Elle va rester dans les annales celle-ci!
On retourne vite fait à bord de Morgane pour se cuisiner une bonne croûte aux champignons avant d'aller s'allonger au calme, enfin, sans le bruit du moteur!
Au matin du 1er août, nous célébrons notre fête nationale à bord de Morgane. Comme nous ne pouvons malheureusement pas rejoindre Illulissat, encore trop bouché par la banquise, nous contournons l'île Disko par l'est, 70MN de détour pour rejoindre Upernavik Kujalleq. Pendant cette navigation au moteur, sous un ciel couvert, nous refaisons le plein d'énergie tout de même. En effet, cette baie de Disko abrite le seul gisement au monde de fer tellurique! Cette zone est spéciale! Elle est chargée d'ondes mais aussi de géants de glace d'eau douce!
"L'iceberg est insaisissable. Il remplit notre champ de vision et se dérobe à nos regards. Il est partout et nous n'en percevons qu'une infime partie. Pudique, il cache l'essentiel de sa masse sous sa ligne de flottaison. L'iceberg est classifiable et nomenclaturé. On le nomme bourguignon quand il est minuscule, sarrasin s'il est émietté. Il est tabulaire, trapu, érodé, biseauté, en dôme ou en pinacle. L'iceberg peut être d'une platitude confondante, criblé de trous, percé comme un tunnel. Tour à tour abrupt, surplombant, skiable, stratifié, luisant ou dégoulinant. On distingue des icebergs en marche. Des titanesques et des pygmées. Des vieux comme Hérode, des bébés de l'année, à peine érodés. Des immaculés, des acnéiques, des vitreux, des noirs, des bicolores. Certains sont zébrés de résidus terreux ou striés de sable, d'autres baignent dans des reflets turquoises. L'iceberg, comme le nuage, s'offre au contemplatif qui y décèle ce que son imagination décide." Merci à Julien Blanc Gras pour cette magnifique citation.
Nous arrivons à 5 heures du mat le 3 août à Upernavik Kujalleq où nous jetons l'ancre au fond de la baie tout près de la plage. Vers 8h, un pêcheur nous aborde et nous explique comme il le peut avec ses quelques mots d'anglais que nous devons contacter au plus vite Royal Artic. Il nous met en relation avec eux 2 min plus tard et passe le téléphone à Robin. Nous apprenons que nous sommes recherchés??!!
Ne nous voyant plus sur notre traceur spot GPS, les parents de Robin ont eu peur que nous ayons coulé et ont appelé les secours à notre rescousse!
Après confirmation aux gardes côtes de notre statut "tout va super bien", on se dépêche de regagner le bord pour aller envoyer un mail depuis la maison communale afin de rassurer Irma et Francois. Lors de notre visite du village aux maisons joliment colorées, on voit de plus près l'envers du décor. Des détritus un peu partout, des cadavres de phoques qui attendent leur dépeçage, une peau d'ours polaire suspendue à l'étendage à côté des t-shirt et culottes fraîchement lavés. Des chiens groenlandais enchaînés à même le sol terreux. Ils sont considérés comme des bêtes de somme ici au Groenland, pas comme des animaux de compagnie. Et ça nous fait mal au coeur de les voir dans ces conditions de vie... vous ne pouvez pas vous imaginez! Même les petits chiots sont livrés à eux même à déchiqueter un reste de mâchoire de Narval ou autre mammifère marin. Cependant, les habitants sont adorables et curieux de converser avec nous. Bon faut dire qu'avec le coup des coast guard .. on passe pas inaperçu ! Du coup, sans trop de gêne je leur demande où il est possible de se doucher? C'est là que Paulus, un pêcheur se désigne et nous emmène chez lui! C'est aussi l'occasion de prendre un cours de langue inuit avec sa famille.
On ne tarde pas trop car la dépression est à deux virages de notre mouillage et ça va bastonner ce soir! Paulus nous reconduit avec son hors-bord auprès de Morgane et nous l'invitons à boire un café à l'intérieur. Cependant, la barrière de la langue met vite fin à notre sympathique rencontre.
Morgane commence son rodéo vers 21h! On veille presque toute la nuit en espérant ne pas déraper! Mais le vent tourne et se calme vers 3 h du matin. C'est quand même décidé, on achète un deuxième mouillage!
Samedi 4 août: nous appareillons vers 9:30 et continuons notre route au Nord en direction d'Upernavik. Le temps qui s'améliore nous motive à nous arrêter en chemin dans un mouillage de rêve! Tassuisaq, niché au fond d'une vallée glacière, nous sommes seuls entouré de roche et de falaise rougeâtre! Pendant que Robin et Patrick nous pêchent 3 cabillauds et se font dévorer par des millions de moustiques en les vidant, je sors toutes les couchettes à l'extérieur sur le pont pour une séance séchage rapide! Désolation totale, nous ne pouvons même pas rester dehors pour savourer notre apéro tellement il y a de moustiques ! Le lendemain matin, nous profitons avec Robin de cette deuxième magnifique journée pour aller faire un petit vol en parapente. Décollage sauvage au milieu des cailloux pour atterrir 5 min plus tard à côté de Morgane et Patrick avec the mega smile!!! Au moment de remonter l'ancre, notre guindeau a rendu l'âme!!? Heureusement, le plan d'eau est d'huile!
A notre arrivée à Upernavik, Robin et Patrick trouve la panne du guindeau: c'est le relais qui ne fonctionne pas bien. Après l'avoir démonté et secoué, il repart! Grosse interrogation!??
Lundi 6 août: avant la pluie annoncée pour l'après-midi, on s'empresse de faire des aller-retour au puit d'eau douce pour remplir les réservoirs. Quelques minutes plus tard, du haut du ponton, un camion citerne nous passe un tuyau pour le plein de diesel. Encore un petit luxe! Et voilà que le mauvais temps arrive! Et la valse de Morgane a débuté! Toutes les amarres sont de sortie pour nous dégager au mieux du ponton. Nous expérimentons illico presto notre deuxième mouillage fraîchement acheté!
Debout en fanfare après une nuit agitée! Nous devons faire place à un cargo! Mais non,?! On venait enfin de s'endormir ! Départ donc au mouillage un peu sketchy! Anorakée, je pars à terre avec Patrick et sa lessive pour consulter internet, prendre la météo et l'état des glaces. De retour au bateau, j'annonce pendant le déjeuner la bonne nouvelle: nous pouvons faire une route presque directe sur Pond Inlet au Canada, la banquise s'est ouverte! Robin nous cuisine une bonne saucisse à rôtir et pendant la digestion nous décidons en coeur de lever l'ancre malgré le temps pourri et de partir pour la traversée de la mer de Baffin. Allez, ciao Groenland! À bientôt! Car on reviendra te planter des arbres et te visiter plus longuement!
Mercredi 8 août: toujours au moteur et dans une brume accompagnée de crachin breton, nous contournons le pack de glace par le Nord. On aperçoit au loin la banquise. La température de l'air avoisine les 5 degrés maximum. Plus souvent négative pendant la nuit. Enfin le jour/nuit! Car il ne fait jamais nuit en été!
Au matin du jeudi 9 août plus de girouette électronique, les cordages et le pont sont gelés! Ça caille un max!! À l'intérieur du bateau,on frôle les 6 degrés.
La température de l'eau est quant à elle proche du zéro. L'effet de condensation est à son apogée! Morgane sue, déperle! Ça coule le long des boiseries et dans les coffres, c'est le hamam mais sans la chaleur. Tout est humide, moite et froid. Le carré reste encore agréable pendant que la cuisinière et le chauffage sont allumés et grâce au papier film que nous avons plaqué contre les hublots, une isolation à la Mcgiver qui fonctionne du tonnerre! Mais la seule véritable pièce qui vaut la peine d'y rester des heures durant sont les toilettes, chauffées grâce au boiler et moteur qui tourne sans arrêt depuis 3 jours. Vous imaginez bien que c'est devenu mon petit refuge!!! Quand je ne suis pas meurtrie au fond de mon sac de couchage à récupérer des heures de sommeil volées .. C'est aussi là que nos vestes et chaussettes trempées ont juste le temps de sécher pour le prochain quart.
Les quarts, parlons-en! Après 3 jours de freestyle, c'est à dire quand tu es fatiguée ou juste avant de te transformer en glaçon, tu demandes à quelqu'un de venir te remplacer à la barre sur le pont, Patrick, nous propose de se tenir à des quarts plus réguliers. Deux heures chacun maximum à la barre ou à la veille si c'est Gustave aux commandes.
Nous voici donc en mode régate: manger, dormir, barrer .. scruter l'horizon, rester vigilant pour éviter de taper dans un growler, petit bébé de maman iceberg, qui peut être vicieux, dévastateur !
Pendant cette traversée du tonnerre, terminés les beaux moments de détente sur le pont au soleil à lire un bouquin, apprécier le magnifique paysage montagneux ou admirer les gestes gracieux des baleines et même discuter tous ensemble. La traversée sur le Canada c'est sport intense et en fait pas très drôle du tout. Le peu de visibilité nous oblige à rester sur le pont en permanence. Et je vous dit pas quel courage et bonne volonté il faut pour se hisser hors d'un sac de couchage bien chaud et douillet, où il a fallu 1 heure de préchauffage pour se dégeler les pieds et seulement 2 à 3 heures de sommeil plutôt agité et partiel. Enfin, tu espères qu'on t'ait oublié.. Eh bien non! C'est à ton tour de monter sur le pont et te les cailler!
Mais avant :mission habillage: Il te faut au moins 7 minutes pour enfiler les 4 voir 5 couches qui vont te protéger tout juste pendant 2 heures du froid humide et glacial qui règne à cette latitude de 73 degrés Nord. Franchement, je me demande comment tous ces oiseaux supportent ces conditions de malade. Et ces fous, ils n' hésitent pas une seconde à plonger la tête dans l'eau comme pour se rafraîchir! Ah!!! Ce que j'aimerais être un guillermot, là, maintenant !
Ensuite il y a les sueurs froides.. je dirais même glaciales quand tu t'aperçois que la carte des glaces n'est pas correcte et que là ,devant le bateau, à 50 mètres c'est tout blanc. Il n'y a plus d'eau! C'est le pack de glace, la banquise qui simplement s'est déplacée de quelques degrés et pas dans le bon sens! Infranchissable!
À moins d'être à bord d'un cargo doté d'un brise -glace! Même la bonne et robuste coque en acier de Morgane est incapable de se frayer un chemin à travers cette épaisse couche de glace flottante.
Donc c'est parti pour un petit détour au matin du samedi 11 août après avoir atteint le 74° degré Nord dans le détroit de Lancaster, nous entamons une partie de cache cache dans un brouillard à couper au couteau pour trouver un éventuel passage à travers le pack et s'enfiler dans le fjord qui relie Arctic Bay.
Une miraculeuse éclaircie de 20 petites minutes nous dévoile un paysage tragique et fabuleux à la fois! Et surtout nous montre enfin la sortie! La fameuse voie libre de glace que nous cherchons depuis 10MN! Champagne !! Enfin non, ça sera bière pour le coup! Mais pas tout de suite! Encore 75 MN pour atteindre notre point de ravitaillement.
Dimanche 13 août 7h, nous ancrons Morgane dans une jolie anse face à Arctic Bay à côté d'un voilier jaune et nous dormons jusqu'à midi!
Ah quelle traversée de malade! Elle va rester dans les annales celle-ci!